Pendant des mois, des milliers de fois, j’ai répété cette phrase !
C’est vous dire si je m’en souviens ! Car il me faut vous narrer une chose qui est à l’image même de ma vie. Tellement j’ai toujours eu un pot faramineux dans l’existence ! Comme le beau militaire que j’étais, fils de militaire, je suis tombé sur ce territoire d’outre-mer où s’exerçait toute la « virilité »…. militaire ! J’étais sur une base aérienne. Des biffins de l’armée de terre s’entraînaient férocement dans les collines.
Tous les jours, je voyais des « sticks » de parachutistes de la Légion Etrangère sauter des vieux « Nord Atlas » fatigués, sur les
plages d’Aïn-el-Turk.
Un ami d’enfance était marin dans la base navale souterraine de Mers-el-Kébir, à trois kilomètres de là. Mon cantonnement était à côté de celui des « redoutables » gars à képi, des durs à cuire, des tatoués, des bêtes fauves, des fils de « Pépé le Moko » !
C’est vous dire si ça sentait l’adrénaline et les hormones mâles partout dans les environs !
Et bien moi, j’ai passé mon séjour là-bas comme opérateur dans le central téléphonique de la base ! Avec en prime, cerise sur le gâteau, pompon délicieux ; la seule femme chef de service de toute l’enclave de Mers-el-Kébir !
Et dans les années soixante, je vous prie de croire que c’était exceptionnel !
Je vous parie ma chemise de pyjama qu’il y a bien un congénère (en un seul mot) mâle, qui lisant ces lignes, va me sortir :
« Quel pot il a eu ! »
Sinistre buse ! Attends un peu la suite !
Cette « charmante » miss (car on l’appelait « miss ») pesait bien son quintal, pour un mètre cinquante. Elle avait la voix éraillée de celle qui clope ses deux paquets par jour, qui sirote tout ce que la planète peut distiller comme alcool, et qui avait dû avaler des choses que la loi tolère mais que la morale réprouve !
Quand on la voyait, je vous jure bien que l’envie du moindre marivaudage se serait vite éteint dans votre esprit, dans la fraction de seconde qui aurait suivi son apparition!
Quant à la bise, même amicale ? Même pas en rêve ! D’ailleurs à cette époque, cela nous aurait valu au moins une semaine d’arrêt de rigueur ( de prison, pour décoder pour les jeunes !).
Nous avions un magnifique standard à fiches, modèle 1936 réformé 45 de 370 postes ! Eh ! Eh ! Eh ! Quand je pense aux portables d’aujourd’hui, je me bidonne un brin! Celui-ci logeait dans une pièce de deux mètres sur quatre. Elle se trouvait dans les bâtiments de la tour de contrôle. Il nous arrivait souvent de passer vingt-quatre heures d’affilées dans ce charmant bocal, sans radio, sans télé, et seul !
On nous ravitaillait par plateaux repas (froids) qui faisaient quatre kilomètres en jeep pour venir de la cantine !
C’est vous dire si on ne se brûlait pas souvent la langue avec des plats trop chauds !
Notre grosse « araignée » passait ses journées avec sa « chouffe » collée à l’oreille !
Mais oui ! Bien sûr, que je vais vous expliquer ce que c’est qu’une « chouffe » !
Un peu de patience que diable ! D’abord, un peu de technique !
Notre « cage à serins » était composé de trois modules identiques, comportant les mêmes trous correspondants aux mêmes postes téléphoniques !
C'est-à-dire que lorsque deux correspondants étaient en ligne, il y avait deux trous correspondants au même abonné libre, sur les deux autres modules !
On suit ? Ça va ? Bon ! Je continue !
Donc, il suffisait de mettre une fiche munie d’un écouteur dans un des trous libres pour écouter la conversation des deux malheureux qui ne se doutaient pas une seconde qu’une grosse truie était entrain de se bidonner, en écoutant leurs confidences !
Ah ! Ce sourire, et ce ricanement asthmatique !
Je les ai encore dans la vue et dans les oreilles !
Même après tout ce temps là !
Elle en a passé des heures « mémé » à écouter tout son petit monde!
A mon avis, ce devait être une auxiliaire de nos services secrets !
Mais chut ! Je ne vous ai rien dit !
Car je me suis toujours demandé ce qu’elle pouvait bien foutre avec tout ce qu’elle entendait ! Vous pouvez constater la belle ambiance « virile et militaire » qui était la mienne !
Ne ricanez pas trop fort !
Ce n’est pas de ma faute ! Je ne l’avais pas choisi !
Un jour, que la fatigue me prend, j’étends mes bras au-dessus de ma tête pour me relaxer ! Soudain mes doigts pénètrent profondément quelque chose d’incongru et d’inhabituel !
Arghhhh ! Horreur ! Malheur ! C’était les cheveux de la sorcière !
Dans un réflexe « cérébro-spinal » je rabats brutalement les bras vers moi !
Pétrifié de honte et de gêne !
Euh ! Je précise que le réflexe « cérébro-spinal » est celui de la grenouille à qui on a coupé la tête, et qui n’a donc pas besoin de cervelle pour agir !
J’attends donc avec angoisse une réaction de notre cerbère femelle. Rien !
Je me retourne à demi pour la regarder. Et là, qu’est-ce que je vois ?
Madame, la clope au bec, en train de lire tranquillement un bouquin, parfaitement immobile, sans la plus petite émotion !
Alors là, je me suis dit qu’une femme qui a ce sang-froid là, a dû en faire de vertes et de pas mûres ! Je n’ose pas l’imaginer ! Elle a dû en dérouler du câble ! C’est moi qui vous le dit !
Je n’allais pas tarder à en avoir une preuve supplémentaire.
J’étais à l’époque, un garçon encore plus timide qu’aujourd’hui !
Vous voyez ce que cela peut donner ?
Vous pensez bien que cette grosse vache s’en était immédiatement aperçu et qu’elle me réservait un sort d’une cruauté et d’une perversité toute diabolique ! I
l y avait dans l’enceinte de Mers-el-Kébir un établissement très sérieux qui était gardé militairement par les trois Armes, plus la légion.
Toutes les semaines, un détachement de quatre soldats, sous les ordres d’un caporal, montait une semaine de garde dans cet endroit hautement stratégique.
Une fois, c’était l’Armée de l’Air, ensuite, l’Armée de terre, suivit de la Marine,
et enfin la Légion ! Chaque arme y allait à tour de rôle.
Cet établissement était un hôtel de « repos » de « calme » où des infirmières très spécialisées dans des soins très particuliers, exerçaient leurs talents contre rémunération, bien sûr !
Et sous une surveillance médicale très stricte et sérieuse !
Nous, on l’appelait le B.M.C. Mais ces initiales sont sans intérêts pour les jeunes personnes de notre époque.
Nous en étions très fiers, parce que c’était le dernier en activité dans l’armée française !
Une « relique » du passé en quelque sorte !
Et puis, chose émouvante ; les bénéfices de cet établissement « hospitalier »
(dans tous les sens du terme !) avaient permis de nous acheter des cadeaux pour le Noël tristounet, et loin de nos familles, que nous avons passé là-bas!
J’en ai encore la larme à l’œil, quand j’y pense !
Bref ! Vous avez deviné la chose, parce que vous êtes plus malins que moi ; Cette caricature de femelle n’a plus eu qu’une seule idée en tête pendant des mois : me « pistonner » pour m’envoyer de garde là-bas !
D’ailleurs, quand on parle de « pistonner » (sans jeu de mot) c’était bien le cas, puisqu’il fallait vraiment l’être pour mériter de faire cette garde !
Vous imaginez ? Boissons gratuites, repas gratuits, et …tout le reste aussi gratuit ?
Ah ! Ça se bousculait au portillon ! Croyez-moi !
Mais heureusement, la providence veillait !
Elle n’a pas réussi dans son entreprise coupable à m’envoyer là-bas !
Je suis resté « pur » et « vierge » comme j’étais venu !
Qui a dit « l’imbécile » ?
9 commentaires:
merci gèrard,
recit honnete, agreable a lire.
les avions etaient plutot/surtout des vieux
Dacota americains....
salut a vous
un ancien legionnaire du 1er REC
a bou sfer
Merci cher compagnon militaire pour ce message amical. Pour nous,les "gonfleurs d'hélice" nous avions le sentiment d'être des "gamins" en vacances à côté de nos fiers camarades de la Légion. Mais nous avions des rapports d'amitiés très forts et surtout très.....arrosés!
D'ailleurs, puisque vous m'avez fait l'honneur d'apprécier mon petit récit, je vous en écrirai d'autres (si je ne suis pas trop flemmard!)
Amitiés!
hallo gèrard...
je suis en facebook,
cherchèz ludwig bader.
il y a une photo que jai prise de vos
barraques,.. vue de mon cotè...mais en 1970
et peut-etre des camerades de votre temps,
en 1967 a ain el tuerk..
salut a vous
ludwig
Je suis surpris de voir tous ce qui ce dit sur la présence du 1er REC à Bou sfer. nous avons quitté ce site en octobre 1967 pour Orange et plus jamais nou n'y avons remis les pieds puisqu'en partant, nous avons remis officiellement le camp aux autorités Algériennes. Par la suite, si une unité du REC était retournée en Algérie, il me semble que j'aurai du être au courant.
Si quelqu'un veut discuter avec moi, je donne mon adresse e-mail : jjf74@orange.fr
à bientôt
Merci vieux compagnon de route de Bou-Sfer pour ce message que je n'attendais plus!
Si je remue mes souvenirs, il y avait aussi le 2°REI et le 2° REP. Je ne sais plus dans quel ordre ils sont partis à leur tour.
Mais je suis formel. Il restait des légionnaires quand je suis parti le 6 février 1968 pour Orange Caritat. Je ne peux pas l'oublier vu que c'était pile poil le jour de mes 21 ans, année de la majorité de l'époque.
Quant à tout ce qui se dit sur le 1° REC, je ne suis pas responsable! Je le jure!
Amitiés respectueuses!
Bonjour,
Retaité de la marine et gendarmerie, 62 ans, question pour la légion:
Les anciens combattants Paris,me disent que les légionnaires (21)DCD qui étaient en 1964 dans le cimetière de Kébir sont au Petit-lac à Oran en 1970.
Moi j'ai des photos de l'exhumation de légionnaires avec témoin, et des arbres plantés après 3 juillet 1968. la fiancée de l'un deux était institutrice à Kébir c'est sa copine(dcd) qui m'a donné les photos.Un AC.
Qui à la bonne réponse?
Des personnes de Kébir PN, me disent que des camions sont venus....
Pour que cela soit crédible il faut qu'il se trouve à Aubagne.
Merci, mais un bon nombre de forum sont dans une omerta sur le sujet, pourtant, mon père militiaire m'a dit que la légion n'abandonne pas ses morts. Mon émail agmg@wanadoo.fr
Mes respectueuses salutations à vous camarades.
Dommage que ce texte sur le BMC de Mers el kebir ne soit pas plus long car j'aurais aimé en savoir plus sur le fonctionnement de tels établissements. Je suis en effet en train d'écrire un roman sur l'Algérie des années 83 86 dans lequel un bidasse ayant servi dans un BMC comme secrétaire pendant la guerre retourne en Algérie 20 ans après comme coopérant (enseignant exactement), en partie pour retrouver une petite prostituée qu'il a connu lorsqu'il gérait le tableau de bord des "visites" et le carnet de santé des filles.
quelqu'un pourrait-il m'en dire plus sur ce BMC de Mers el kebir ou celui de Tizi ouzou par exemple. Je suis preneur de toutes anecdotes et détails.
Je donne mon email au cas où quelqu'un voudrait m'écrire : fournier.jc@gmail.com
Bonjour tout le monde. ce message pour vous informer que je viens d'envoyer le manuscrit de mon dernier roman à mon éditeur, roman dans lequel, comme je vous le disais dans un message précédent, il est question du BMC d'Aïn el Turck et de l'idylle d'une prostituée de cette maison de passe avec un appelé affecté à la comptabilité dans cette "honorable maison".
J'espère que ce message vous donnera envie de lire le bouquin à sa sortie, dont je vous informerai quand le livre sera publié.
Bravo Jean-Claude! Tu as réussi ce que je n'ai jamais eu le courage de faire!
Mais je suis tellement heureux de voir que mon blog "survit" un peu dans la mémoire des anciens de Bou-Sfer!
Cela m'encourage donc à continuer d'écrire!
Alors, je suis ton aventure littéraire avec envie et amitié!
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