Après ma « lettre à Jean-philippe » qui n’était qu’un cri
d’humeur, de chagrin et de colère, je me suis mis à réfléchir sur toute
l’épopée, non seulement de Johnny, mais de toute cette génération (la mienne)
plongée dans le rêve américain d’après-guerre. Quand la vague « yéyé » a
explosé à la fin des années cinquante, tous les chanteurs ne juraient que par
tout ce qui venait des Etats-Unis. Ils prenaient tous des prénoms sonnant bien
« cow-boys », bien « Yankee ». Outre les « Johnny » on a eu droit à des « Eddy
», des « Dick » etc…Toutes les chansons étaient des succès US remis au goût du
jour et traduits en Français. Mais au moins, c’était traduit dans notre langue
! Aujourd’hui, nos jeunes brailleuses et brailleurs ne font même plus cet
effort ! Ils chantent carrément et directement en anglais ! Sans complexe !
Mais revenons à notre « Johnny ». Le paradoxe le plus incroyable, le plus
risible, presque, c’est que lui, a toujours chanté EN FRANÇAIS ! C’est
tellement vrai, tellement incontournable, tellement indéniable que personne,
que ce soit aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne ne le connaît. Peut-être de
quelques milieux musicaux spécialisés, mais certainement pas du grand public
anglo-américain. Pour tout dire et bien résumer les choses, notre « crooner et
rocker » national est bien français ! Typiquement français ! Tous ces albums
sont en français, tous ses immenses succès sont en français. Excusez-moi si
j’insiste, c’est pour bien vous faire comprendre la suite. Les millions de ses
fans français, ont chanté et repris en français tous ses tubes. Notre pauvre «
Johnny » a même été enterré à la Madeleine, haut lieu de l’histoire de la
culture française. Alors, vous allez maintenant remarquer une chose assez
surprenante, un détail qui pourrait être cocasse s’il n’était pas aussi
douloureux. Laura et David sont, eux aussi Français ! Vous ne devinez pas un
peu où je veux en venir ? Mais oui ! Le testament américain qui favorise
Leaticia et déshérite Laura et David. Le paradoxe du paradoxe, si le testament
est bien exécuté, c’est que toute la fortune et toutes les « royalties » qui
seront engrangées dans le futur, iront engraisser le fisc américain, iront dans
le trésor public d’un pays qui n’aura rien à faire d’un chanteur français et de
ses millions de fans français et qui s’en fout comme de son premier « cent » !
Ah ! Il se termine bien le « rêve » américain de toute une
génération !
Mais ce qui m’amuse encore un peu dans tout ce désastre
musical, c’est que le clivage entre les deux camps désormais « ennemis »
reflète exactement le même clivage de notre société entre la haute bourgeoisie
politico-médiatique arrogante et triomphante d'aujourd’hui et le peuple des
petites gens, toujours grugé, toujours couillonné par les éternels « plus
malins ».
Je n’en écrirai pas plus. Je vous laisse le soin de ranger
les protagonistes dans le « bon » camp.
Eh oui ! Johnny a fini par dépouiller Jean-Philippe.
N’est-ce pas aussi la logique implacable de notre époque qui veut qu’un vieux
pays génial et fatigué, comme le nôtre, se fasse enfin bouffer par un empire
plein de morgue et de vanité qu’un pauvre Jean-Philippe a cru pouvoir admirer
sans danger, sans savoir qu’un jour un « Johnny » en jupon finirait par le
dépouiller comme un tricheur de poker au fond d’un saloon du Far West.