Comment pouvais-je deviner que le
simple fait de revoir ce film, « My Fair Lady » allait
être très dangereux pour ma santé sentimentale? Voilà ce que
c'est que de ne pas prendre de précautions suffisantes. J'étais là,
à « zapper » comme un malade sur la télé, à la
recherche de quelque chose d'intéressant à me mettre sous les yeux.
Il y a longtemps déjà que les concours de « brailleurs »
et « brailleuses » se prétendant chanteurs ne
m'intéressent plus. J'ai viré, depuis des années, de mon champ de
vision, par une prophylaxie sanitaire mentale, tout ce qui se
rapporte à une escroquerie morale qui ose s'appeler « télé-réalité »
où il n'y a plus un atome de cette réalité, mais où tout est
fabriqué pour les instincts les plus bas, où la vulgarité et la
bêtise sont justement les seules « réalités ».
Éliminées aussi, toutes les séries policières venues du nouveau
monde, parce que je suis un citoyen français et que je ne vis pas à
New-York, Los Angeles ou Miami. Une de temps en temps, j'aurai
toléré, mais « noyé » dedans, non merci ! C'est
alors que je tombe sur cette vieille « sucrerie », sur ce
vieux film kitsch qui ressemble à une grosse pâtisserie dont on
aurait oublié le goût depuis des années : « My Fair
Lady » ! Par une flemme autant physique qu'intellectuelle,
je me laisse emporter par cette histoire que je suis sensé connaître
par cœur. Mais c'est là que s'opère la magie intrinsèque à tout
chef-d’œuvre ; un renouveau éternel dans le bonheur qu'il
nous donne.
Il n'existe pas d'autre principe pour
les détecter. Donc, je revois aussi, par la même agréable occasion, et avec un grand plaisir, cet immense
acteur que j'ai toujours admiré : « Rex Harrisson »
Qui ne l'a jamais vu dans « Guêpier pour trois abeilles » de
Joseph L. Mankiewicz, ne peut pas
connaître toute l'étendue de son immense talent de comédien :
Ah, ce merveilleux « professeur
Higgins » dans « My Fair Lady » ! dont
l'humour tout britannique, dont le cynisme bien poli de la Grande
Bretagne, dont la perfidie amusée de cette Albion éternelle,
brillent dans un regard plein de malice, et suintent sur tout son
beau costume de tweed impeccable !
Un plaisir gourmand de chaque instant
du film. Mais le plus beau vient de notre charmante Audrey Hepburn.
Immédiatement, vous êtes prisonnier de son charme envoûtant. Vous
ne comprenez pas ce qui vous arrive, mais vous êtes fasciné par
cette petite brunette qui n'a pas les rondeurs pulpeuses d'une
Marilyn mais qui est infiniment plus attirante. Déjà, vous avez un
premier choc lors de « l'exercice » un tantinet pervers
que lui inflige Higgins en l'amenant à Ascott ! Sa beauté est
rayonnante. Elle est d'une élégance à couper le souffle (merci à
l'ami Hubert de Givenchy qui l'habilla toute sa vie). Alors, je dois aborder
maintenant, l'épisode le plus douloureux, le plus surprenant de
cette histoire. Je prends beaucoup de précaution, car je ne vais pas
être très fier de moi. Ma famille va peut-être me renier en lisant
ces lignes. Je vais abandonner toute fierté, toute pudeur.
Notre charmante héroïne s'apprête
pour le bal des «Ambassadeurs ». Elle est à la maison. La
scène débute par une discussion entre Higgins et son ami, au
rez-de-chaussée. Soudain, « Elle apparaît sur le palier dans
une robe magnifique de soie blanche qui habille son corps à la
perfection, dans un port altier digne d'une reine, avec le regard
profond, sérieux, mystérieux.
C'est alors que je suis saisie par une
émotion irrépressible qui me broie la gorge, et des larmes me
viennent aux yeux ! Je suis interdit, incapable de comprendre ce
qui m'arrive. J'ai honte de moi.Je me giflerais de colère et de
rage, mais je n'y peux rien. L'émotion est trop forte pour être
réprimée ou dominée.
Je vous avais prévenu que ce ne serait
pas beau à raconter ! Quel moment de faiblesse impardonnable !
C'est-y pas malheureux d'en arriver là !
Il paraît,.... je me suis laissé
dire, ...j'ai vu quelque chose dans ce sens dans la presse, comme
quoi, notre charmante Audrey serait redevenue « tendance » !
Et surtout auprès des petites filles ! Je boirai donc la honte
jusqu'à la lie. Moi, aussi émotif qu'une gamine ? Quelle
déchéance !
Malgré mon cynisme de façade
(j'espère que vous l'aurez compris!) je voue une admiration sans
bornes pour cette grande dame qui, non seulement, fût une grande
actrice mais surtout une femme admirable, simple et généreuse. Elle
a pourtant connu, la faim, la misère, la terreur des bombardements,
l'héroïsme de la résistance et la perte de proches pendant la
seconde guerre mondiale. La noblesse de son tempérament le doit-elle
aussi, au fait que sa maman était une authentique baronne
hollandaise ? « Bon sang » ne saurait jamais mentir.
Mais je ne retiendrai qu'une chose :
elle m'a fait pleurer comme une « gamine », et ça, je ne
lui pardonnerai jamais !