Là où tu reposes désormais, toutes les vanités du monde ont
disparues. Voilà pourquoi je me permets de t’écrire cette lettre, avec ton vrai
prénom, pas celui du saltimbanque et de l’artiste sous lequel tout le monde te
connait. Il y a aussi une raison plus profonde et plus douloureuse. C’est celle
qui s’adresse à l’homme et non pas au chanteur, non pas à l’homme public.
Dernière raison, et non pas la moindre ;
ta fille Laura a choisi, avant moi, de
t’écrire publiquement. Elle a bien fait. Elle a très bien fait. Et tu vas
comprendre pourquoi maintenant.
Cher Jean-Philippe, tu as accompagné toute ma vie, comme des
millions de Français, même malgré moi. Je t’ai connu dès tes dix sept ans, tout
timide, quand ta marraine, Line Renaud te présentait, pour la première fois à
la télévision. Je t’ai vu en direct, moi ! Pas dans une émission de
souvenirs ! Car je suis de ta génération. Celle qui cassait les fauteuils
de l’Olympia au grand plaisir dissimulé de Bruno Coquatrix. Pourtant, je n’ai jamais
été un de tes fans. Je ne me suis jamais roulé par terre d’hystérie dans tes
premiers concerts, et pour tout dire, je ne t’ai jamais idolâtré comme certains.
Pire ! Je n’ai jamais assisté à un seul de tes concerts en public.
Pourtant, comme des millions de mes compatriotes tu as été un élément très
important du décor de ma vie. Tu en as fait partie intégrante de cette vie. Tu
l’as rythmée de toutes tes chansons, de tous tes albums, et même de toutes tes
frasques sentimentales. Nous savions tout de toi. Tu étais devenu presque un
membre de la famille, un « cousin » turbulent dont on suivait la
carrière de loin. Et puis tu nous a fait le chagrin de disparaître, car nous
avions oublié que tu était aussi mortel.
On a écrit et dit beaucoup méchancetés et de bêtises au
sujet de tes obsèques quasiment nationales, souvent par la jalousie stupide
d’une certaine intelligentsia qui se croit au-dessus de ces manifestations
vulgaires et « populistes ». Mais il est un fait indéniable, que
personne ne pourra nous voler ; nous avons été des millions à pleurer ta
disparition. Une grande émotion, sincère, nationale, une grande douleur de
toute une génération qui voyait disparaître ainsi tout un pan de leur vie et de
leur jeunesse. La vie a repris son cours. On pensait faire notre deuil
tranquillement. D’autres soucis plus graves nous accaparaient tous.
Et puis soudain ? BOUM ! Le drame ! Le
choc ! Le scandale !
Ta fille Laura nous apprend avec stupeur et étonnement que
tu l’as déshéritée, ainsi que son frère David. Elle le fait publiquement, au
grand jour ! Alors là ? Je dois dire que les bras m’en sont tombés de
dégoût et de colère ! Mais il faut bien que tu comprennes POURQUOI !
Il ne s’agit pas là d’une nouvelle « pipolerie »
de stars friquées qui se plaignent qu’un producteur véreux les aurait
grugés ! Non ! C’est un VRAI DRAME FAMILIALE ! Et contrairement
à ce que pensent certains, ce drame nous touche tous ! Et ce drame est en
train de salir ta mémoire mais aussi notre vie, l’admiration que nous te
portions, et même le respect pour l’homme qui s’était battu toute sa vie contre
un sort tragique que lui avait fait l’existence, au début de sa vie. Nous
connaissions tous le sombre destin qui avait été le tien, dans tes premières
années. Nous savions la souffrance de l’orphelin trimbalé dans une troupe
d’artistes vagabonds. De plus, lors de ta disparition, des centaines de
témoignages d’anonymes, de gens du spectacle, d’amis nous ont prouvé d’une
manière formelle et indéniable que tu étais un homme bon, généreux, simple et modeste
dans le privé. Nous avons tous vu, constaté l’amour d’un père pour son fils,
pour sa fille. Ce n’était pas du cinéma ou de la comédie mise en place pour des
revues poubelles qui se repaissent de sentiments fabriqués.
Alors ce que tu as fait à Laura et David est impardonnable
et même inimaginable !
CE N’EST PAS TOI ! Personne ne peut croire à cette
abjection des derniers jours !
Par contre, on peut parfaitement bien imaginer qu’une petite
caste de rapaces et de vautours (comme il en existe toujours autour de la
fortune des artistes) ont mûrement réfléchis, pendant des années sur la manière
de spolier une bonne partie de ta famille au profit exclusif d’une autre.
Mais je reviens tout simplement à Laura et à David. Au delà de toutes considérations financières et
matérielles, il y a la vraie douleur de deux êtres qui ont été trahis par celui
auquel ils croyaient le plus, en qui ils avaient le plus confiance dans l’amour
qu’il était sensé leur porter. Cette douleur est tellement intense qu’on ne
peut pas la garder pour soi. Les grandes douleurs sont muettes ? C’est
faux ! Elles peuvent être cataclysmiques ! Voilà pourquoi j’approuve
totalement ce qu’a fait Laura. Je le sais personnellement, dans mon âme et dans
mon coeur, car je sais, comme Laura et David ce que l’on ressent dans ces
moments là. Tous ceux qui sont passés par cette épreuve douloureuse nous
comprendrons aussi.
Alors, mon cher Jean-Philippe, je ne peux pas croire une
seule seconde, que sachant la peine épouvantable que tu allais infliger à tes
deux enfants, tu aies persisté dans cette mauvaise action, dans cette trahison,
encore une fois, IMPARDONNABLE ! Et je mets en garde aussi tous ceux, tous
les « ras la casquette » qui auraient l’audace de penser, qu’il ne
s’agit là que de FRIC ! Mais pas de
sentiment de trahison. Quand quelqu’un déshérite ses enfants, c’est que, non
seulement il les prive de biens matériels, mais c’est qu’il renie AUSSI sa
paternité ou sa maternité. Il, ou elle, les gomme de sa vie ! Ce qui est
intolérable et incompréhensible dans ton cas !
Ton épouse a eu le culot impudique d’écrire à la presse
qu’elle était « écoeurée » par la révolte de tes enfants. Pourtant,
c’est nous qui sommes écoeurés par tant de cynisme, tant de cupidité. Je crois
que cette femme, et son clan de vautours, ne voient pas, ne comprennent pas la haine colossale qui est en train de
naître contre eux. On ne peut pas gagner dans tous les domaines. Il y a encore
des sentiments qu’une montagne de fric ne pourra jamais acheter.
Enfin, mon cher Jean-Philippe (ex Johnny Halliday) toi qui
as toujours aimé la « rock-and-roll attitude » j’espère qu’elle est
aussi un signe de justice ? Cette justice qu’il faut rendre impérativement
à tes enfants si tu veux vraiment reposer en paix dans ton petit cimetière de
Saint-Bart.
PS Je sais que d’autres ont exprimés mieux que moi tous ces
sentiments de colère au sujet de cette affaire, mais outre le fait que cela me
soulage, cela me permet d’être ainsi le porte-parole de ceux qui pensent comme
moi, mais qui n’ont pas pu l’exprimer.