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samedi 9 juin 2007

Ti-ti, ta-ta, et radada


Je dois vous parler maintenant, d’un langage, d’un moyen de communication qui a disparu, mais qui, pendant plus d’un siècle, a relié hommes, bateaux et avions.
C’est le morse !
Au fond, c’était une sorte de « SMS » de notre époque.
Puisque je l’évoquais tout à l’heure !
Langage fait de « points » et de traits » sonores qui, grâce au merveilleux alphabet inventé par Samuel Morse, permettait d’envoyer toutes sortes de messages à travers le monde entier ! Et comme je suis un petit gars pratique, aimant faire partager mes connaissances, je vous donne le lien de « wikipedia » qui vous en dira bien d’avantage :

Pourquoi je vous en parle ? C’est là que les choses deviennent vraiment passionnantes et vraiment extraordinaires.
C’est qu’à la fin des années soixante, dans le transport militaire français,
on continuait à « trafiquer » (comme on le disait dans notre jargon) en morse !

Ouais m’sieur dames ! Comme je vous en « cause » !
Je parie qu’il y en a encore qui ne vont pas me croire !
C’est pourtant l’exacte vérité.
Et j’en ai été le témoin attentif pendant les huit mois de mon séjour sur la base de Bou-sfer en Algérie, en 1967 !
Je n’aurais pas dû mentionner cette date. Il y a maintenant de charmantes jeunes femmes qui vont pousser des soupirs de regrets, quand elles vont comprendre la longueur de mon pedigree !
Mais je me sens toujours jeune, hein ?
Rien à faire !
Bon ! Maintenant c’est râpé pour la drague ! (J’ai toujours été d’une maladresse !)

J’avais donc l’honneur de servir dans la STB (Section des Transmissions Base)
Moi, dans le « glorieux » métier de standardiste, et mes petits camarades, dans celui beaucoup plus banal et vulgaire « d’opérateurs radio » !

Ils avaient fait cinq mois de stage spécialisé à Nantes pour maîtriser ce merveilleux langage et toutes les techniques de transmissions militaires.
Ils étaient tellement passionnés et « fondus » par leur fonction, qu’ils écoutaient les messages en morse sur leur poste personnel, pendant leur jour de repos, dans la chambrée où j’avais le malheur supplémentaire de pionçer avec eux!
Car bien sûr, ils travaillaient jours et nuits, comme moi d’ailleurs !
Complètement malades, je vous dis !
Je finissais par les avoir en horreur, ces « titi-tatata » de malheur !

Ils avaient l’oreille si fine et si professionnelle, qu’ils pouvaient reconnaître un collègue à 2000 kilomètres de là, rien qu’à la frappe particulière de celui-ci, sur son manipulateur !
Un peu comme des mélomanes pointus savent reconnaître le pianiste qui joue du Chopin à Pleyel sur leur chaîne HI-FI !
Leur abri en acier galvanisé jouxtait les bâtiments de la tour de contrôle.

Il y faisait quasiment 40 à 50° à l’intérieur, tous les jours d’été !
C’est vous dire qu’ils rêvaient infiniment plus
de « banquise » de « pingouins », de « pistes de skis »,
de « monts enneigés » que de cocotiers ou du sable fin des Seychelles !

Quand je pense encore à la chanson de ce pauvre ignorant d’Aznavour…….. !
M’enfin !
Faut bien faire plaisir aux « fans » de nos chorales !Voilà, je pense vous avoir bien planté le décor !
Et ce n’est que le décor !
Car la suite arrive !

Par un dimanche de « très mauvais » temps toujours « connement » ensoleillé et sans un nuage, un « soldat-poisson rouge » continuait de s’emmerder ferme dans
son « bocal-standard-téléphonique » !

C'est-à-dire « bibi » ! Je pense que vous m’aviez reconnu !

Soudain, mon petit camarade Belmonte fit irruption dans ma cage à serin, sans précaution, sans même prendre la peine de frapper, et sans savoir si j’étais en communication !

Et alors ? J’ai bien le droit de me métamorphoser en « serin » si ça me chante ?

Et la liberté de « l’artiste » ? Qu’est-ce que vous en faîtes ?
Donc, ce brave camarade opérateur, que je n’avais jamais vu si paniqué, me hurle dans les trompes d’eustache :
_Gilbert, j’ai perdu mon avion !
_Hein ? Comment ça, t’as perdu ton avion ? Quel avion ?

Nous nous précipitâmes dehors pendant qu’il continuait à me claironner dans mes portugaises saturées sur le plan acoustique, les motifs de son angoisse :

_Ben ouais ! J’attendais le « constel » de la SAR !
Et quand je me suis mis sur leur fréquence, viens voir ce que j’ai entendu !

Il me traîne alors dans le « four à pain » lui servant de lieu de travail !

Et là, effectivement, j’entends un sifflement continu à vous percer les tympans !

_Qu’est-ce que je dois faire ? Je préviens le colonel ?
Le gars de la tour n’arrive pas non plus à les joindre en « phonie » !

_Et il devait se poser quand ton zinc ?

_Ben quasiment maintenant !

_Et il venait d’où ?
_D’Istres !


Vous allez voir comme on est ponctuel dans l’aviation !

Car juste à ce moment précis, on entend le léger grondement caractéristique de quatre moteurs à piston !
Dans un réflexe simultané nous levons les yeux vers le ciel, toujours aussi connement limpide et dégagé !
Et là-haut, à plusieurs milliers de mètres au-dessus de nous, la silhouette menue et diaphane d’un quadrimoteur arrivant tranquillement de la mer, passe au-dessus du terrain, et s’enfonce dans les terres, vers le désert !


_Mais qu’est-ce qui fout ce con ? Mais qu’est-ce qu’il fout cet abruti ?


Je vous prie de pardonner ce langage un peu vert des jeunes bidasses que nous étions à cette époque !

Bon ! Comme c’était pas mon problème, et avec le bel égoïsme qui caractérise la jeunesse, je suis rentré dans mon bocal-cage ou ma cage-bocal (à vous de choisir !)





















Une demi-heure plus tard, j’entends le crissement d’un train d’atterrissage sur le béton, ainsi que le
rugissement des quatre moteurs « Pratt-and-Witney » en « reverse » pour freiner à mort !
Tiens ? Me dis-je !
« L’oiseau a enfin retrouvé son « nid » !
Je pense au soulagement de mon camarade.

Le soir, dans la chambrée, je suis allongé sur mon lit. Je bouquine sagement quand la porte s’ouvre sur un Belmonte qui se précipite vers moi, le visage hilare et détendu du type qui vient d’échapper à la noyade !

_Tu sais pas ce qu’ils ont fait ces cons ?


(Pardonnez-lui encore cette vulgarité toute militaire !)


_Ben figures-toi que tout l’équipage était entrain de « taper le carton » à la queue de l’appareil, et que cet abruti d’opérateur radio s’était endormi sur sa table, le coude sur le manipulateur ! Tu te rends compte quand même ? Ils avaient même plus fait gaffe à l’heure !

Ce n’était pas la première fois que les équipages de la SAR se faisaient remarquer !
C’était les meilleurs pilotes qui soient !
Il le fallait bien, puisque c’étaient eux qui étaient chargés du secours et du sauvetage des avions perdus en mer ou sur terre !

Le vieux « Lockeed 1049 Constellation » était une vieille carne ayant servi dans la compagnie Air France, dans les années 50 !
Il était équipé de quatre énormes hublots ovoïdes, de chaque côtés de la carlingue, par lesquels de jeunes appelés passaient des heures entières à scruter le sol ou la surface des flots.

Tout ceci à très basse altitude ! Parfois, pas plus de cent mètres !
L’avion épousait ainsi le relief du sol.
Ce que ces pilotes chevronnés et casse-cou appelaient « faire du radada » !
S’il a d’autres explications plus graveleuses à l’emploi de ce terme, je n’en suis absolument pas responsable !

Vous dire que les missions de ces équipages étaient dangereuses et éreintantes seraient un euphémisme insultant !
C’est pour cela qu’ils bénéficiaient de la part de leur hiérarchie d’une mansuétude que l’on n’aurait pas accordé à d’autres !

C’est ainsi, qu’il arrivait fréquemment que le mini-bus de l’escale des officiers alla chercher vers cinq heures du matin, un équipage au trois quart ivre mort, que l’on extrayait tant bien que mal par les pieds d’un appareil qui venait de se poser !

Ah ! On savait vivre à l’époque !

Malgré leurs « excès » leur « intempérances », leur mentalité de « foirineurs », de
« bambocheurs », de « noceurs convulsifs »
fréquentant assidûment l’hôtel particulier du BMC, ils n’ont jamais eu le moindre accident ou incident !


Pour illustrer mon propos, rien de tel qu’un petit exercice pratique : les « ° » sont des points, et les «-» sont des traits ! (message torride et humide) !










(° ° - / - ° ) (- - ° / ° - ° / - - - / ° ° ° ) ( ° - - ° / - - - / ° ° - / - / - - - / ° ° - / )


(- ° ° ° / ° - / ° ° ° - / ° / ° ° - / - ° ° - ) ( ° - ) (- ° - ° / ° / ° - ° ° / ° - °° / ° / ° ° °)

( - - ° - / ° ° - / ° ° ) (° - / ° ° / - - / ° / - ° / - ) (- ° - ° / ° - )