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vendredi 19 octobre 2012

Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi !


La plus grande frustration de mon existence est de ne pas avoir fait le métier pour lequel j'ai toujours eu une passion de gosse. Je voulais être pilote de ligne. Ayant baigné depuis mon plus jeune âge dans le monde passionnant de l'aéronautique, je ne pouvais pas envisager une autre carrière. Malheureusement, vous savez comme moi, que les rêves de gamins ne se réalisent que très rarement. Un léger daltonisme m'écarta à jamais de celui-ci. J'appris mon infortune, à dix-huit ans, à la suite d'une visite médicale passée au Ministère de l'Air, à la porte de Versailles. J'avais réussi mon concours pour entrer dans l'armée de l'Air.
_Tiens ? Celui-là est daltonien !
Fit une grosse « truie » malveillante, à sa collègue, sans même m'adresser
un regard ! Exactement comme on examine un animal de laboratoire !
Pas la moindre compassion pour un défaut qui allait bouleverser ma vie. Quand vous saurez que le daltonisme est essentiellement masculin mais transmis exclusivement par les femmes, vous comprendrez sûrement le fond de misogynie tenace qui m'a accompagné tout au long de ma vie.
La seule petite consolation de cette visite catastrophique fut paradoxalement aussi féminine. Je suis assis dans une salle d'attente à côté d'une femme d'un âge « très mûr ». Elle a le visage buriné d'un vieux loup de mer. Pourtant ses yeux sont d'un bleu rayonnant de vivacité et de jeunesse. Il s'agit de Jacqueline Auriol. Son visage « ravagé », elle le doit à un terrible accident d'avion, aux Mureaux.
C'est la belle-fille de l'ancien président de la république Vincent Auriol. Elle a à son actif plusieurs records du monde féminin réalisés sur « Mirage III ». Sa grande rivale américaine se nommait Jacqueline Cochran.
Cet échec médical fut le plus grand chagrin de ma vie. Mon plus grand regret. J'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. Aucune déception « sentimentale » n'atteindra le degré de désespoir qui fut le mien, ce jour-là, quand je rentrais à la maison. J'en ai chialé pendant tout le parcours. Des décennies plus tard, il me brûle encore.
Heureusement, on se remet de tout. Pratiquant la « résilience » cher à Cyrulnik, je me consolais en entrant dans cette magnifique société nommée ADP. Tout ceci pour être au plus près de mes chers avions et de continuer mon rêve par procuration. Ce choix judicieux me permit, en autre chose, de bénéficier d'un  avantage extraordinaire. Cette belle maison possède tous les aérodromes de la région parisienne. Petits ou grands, dont celui de Lognes où se trouve le club privé de la société.
Par le CE de l'entreprise nous bénéficions de tarifs préférentiels très bas ; Quand on sait ce que coûte l'heure de vol actuellement, c'était donc une véritable aubaine pour de jeune impécunieux comme moi. Vous pensez si je m'y inscrivis le plus rapidement possible après mon embauche !
Là aussi, je dus subir un examen médical, mais plus « léger » celui-ci ! C'est alors que j'appris que je n'étais plus daltonien ! Arrrrgh ! Plus exactement, je le suis encore, mais à un degré très léger qui ne m'empêche nullement de piloter des avions de tourisme. Comme je travaillais par vacations qui me laissaient de longues journées de repos, je partais rejoindre, dans ma vieille « deux pattes » des familles, l'herbage aventureux du terrain de Lognes.
A cette époque bénie, le terrain se trouvait vraiment en pleine « cambrousse », bucolique à souhait, au milieu de champs et de forêts. Quand je le revois aujourd'hui, en passant par la francilienne avant de rejoindre la A4, j'ai du mal à retrouver mon « Lognes » tant il est envahi par le béton et la ferraille de hangars de « logistiques » ! On arrivait alors sur un petit parking qui jouxtait un « club house » pour faire « snobinard » à l'image du ramassis de pédants et de prétentieux que je fus obligé de fréquenter pendant cette période. Je dois faire une petite parenthèse pour vous expliquer ma vindicte. Au lieu de bénéficier d'une ambiance sympathique et chaleureuse, rassemblant des personnes partageant la même passion, je me retrouvais au milieu de « Mermoz » ou de « Saint-Ex » aux petits pieds  et qui vous toisaient d'un mépris à peine dissimulé. Pour revenir à ce « Kleube Aousse », c'était un petit chalet sympathique et modeste, en planches de bois peintes en blanc où je vis arriver, un jour, un homme à la tignasse blanche, en short et en tongs, le sourire ravageur aux lèvres, et qui me demanda où se trouvait les toilettes!Il s'agissait du chanteur Marcel Amont, pilote émérite, comme les plus de cinquante ans ne l'ignorent pas.
Dans cet environnement champêtre, seule la tour de contrôle faisait un peu « sérieux ». Le ballet ininterrompu de petits coucous, décollant et atterrissant était fascinant à voir. La particularité du club ADP de Lognes était de posséder des instructeurs-pilotes qui étaient tous des bénévoles et en même temps, pour la plus part, des employés d'ADP exerçant un métier parfois très différents. Ils avaient leurs élèves attitrés. Mon instructeur à moi, était sympathique et calme. J'étais en confiance et rassuré. Car je dois faire mon « coming out » aéronautique ; le fait de monter dans un avion m'a toujours noué l'estomac. Je me suis rendu compte, à cet occasion, que je possède la peur de l'avion. Seule une incommensurable fierté me l'a fait surmonter pendant toute cette aventure. Malgré ma terreur secrète et mes angoisses,  pourquoi me suis-je entêté dans cette activité ? Mystère complet de l'âme humaine ! Ou alors, une longue psychanalyse qui n'est pas l'objet de cette histoire. Mais il arrivât que je « tombasse » pour mon plus grand malheur, sur un autre instructeur. Aïe ! Aïe ! Aïe !
C'était comme une sorte de « roulette russe » ! Tantôt je tombais sur un « sympa » tantôt je tombais sur une « brute » ! Il y avait aussi les « je-m’en-foutistes » blasés, et les « pervers joyeux » Parmi les « sympas » se trouvait même un producteur de films « pornos » ! C'est vous dire ! Hélas ! Mille fois hélas ! Il y avait l'autre « brute » ! Ah ! Celui là, je ne suis pas près de l'oublier ! C'était une « grande gueule », braillard, sanguin, rabelaisien à souhait, bref, le modèle parfait du gaulois type d'autrefois ! Une armoire à glace de plus d'un quintal et demi. Comme pompier d'ADP, il avait eu son heure de gloire en sauvant l'équipage d'un 707 qui s'était écrasé à deux kilomètres des pistes d'Orly. Tout ça pour vous dire que notre « Obélix » n'avait peur de rien et le faisait savoir ! Quand je savais que j'allais l'avoir comme instructeur, mes jambes flageolaient un brin, et une furieuse envie de détaller comme un lièvre devant le fusil du chasseur, me prenait d'une manière irrépressible !
Son mépris pour moi augmentait proportionnellement avec la trouille que je tentais de dissimuler vainement.  L'installation à bord de notre minuscule Cessna 150 était déjà un premier supplice.
Comme la « masse » de monsieur prenait les deux tiers du volume de l'habitacle, le tiers restant restreignait considérablement mon champ de manœuvre et me procurait une sensation d'étouffement très pénible. Mais le pire, c'était l'attitude de mépris fièrement affiché de mon « cornac » aérien. Souvent, nos séances d'entraînement avaient lieu en début d'après-midi. Notre gaulois ripailleur s'était bien restauré dans un petit « boui-boui » du coin. C'est vous dire si son attention était déjà très émoussé par un assoupissement post-prendial d'anaconda du Brésil ! Les bras croisés, les yeux fermés « Obélix » se foutait royalement de ma « check-list » et de ma séance de roulage. Ce ne sont pas les soubresauts chaotiques de l'avion sur la piste en herbe qui réveillait mon pachyderme. Après le décollage et l'arrivée sur notre aire de manœuvre, à une altitude de sécurité convenable, mon génie gargantuesque sortait de sa « bouteille » par un bâillement qui ressemblait plus à un rugissement de fauve en chasse qu'à celui, très discret, d'une épouse qui vous fait comprendre qu'il est temps d'aller au lit. Son gros poing de dix kilos me passait sous le nez, me bouchant la vue par la même occasion ! Je comprenais alors, que mon « martyr » allait commencer. Tout apprenti pilote sait ce que signifie les séances d'apprentissage du « décrochage ». Rude épreuve indispensable et obligatoire. On commence par « réduire les gaz » ! Autrement dit, on réduit la vitesse de l'avion. Dans le même mouvement, on cabre celui-ci, de plus en plus vers le ciel. Ce qui fait que la portance de l'appareil  tombe à zéro. L'avion bascule alors brusquement en avant et plonge comme une pierre vers le sol à une vitesse hallucinante. Très impressionnant pour ceux qui subissent cela pour la première fois de leur vie. L'instinct primaire du pilote novice est de tirer le manche à balai vers lui. Or, c'est exactement l'inverse qu'il faut faire ! On dit qu'il faut « rendre le manche » et le pousser vers le tableau de bord.
 Le problème, chez moi, c'est que je supporte très bien les « G positifs », c'est à dire l'écrasement  dû à la force  centrifuge. Pas de problème ! Je peux peser quinze tonnes, je ne bronche pas. Par contre, les « G négatifs» , c'est à dire la chute libre, vulgairement nommée « trou d'air » !  là, je ne supporte pas ! Toutes les « stupidités » de manèges à la con de fêtes foraines, pour se  faire des «sensations », j'abomine. J'ai toujours eu une « sainte  horreur » de ces engins de tortures faussement attractifs que sont les montagnes russes. Je ne comprendrai jamais le masochisme de la race humaine qui cherche à se faire plaisir en se faisant peur ! Pour moi, c'est totalement incompréhensible.
_Bon ! C'est pas tout ça, mais on n'est pas là pour rigoler ! Fait mon gros « pervers » de moniteur, et dans la foulée, tire comme une brute sur le manche faisant cabrer l'avion à la verticale, instantanément,  en coupant les gaz immédiatement.
Celui-ci bascule en avant, en une fraction de seconde,  vers le sol.
Ahhhhhh ! Fais-je..... mentalement! Car il me reste quand même un atome de fierté. La terreur même, m'empêche de pousser des hurlements salvateurs.  Ne me laissant aucun répit, après une « ressource » qui m'écrase sur le siège (mais là, je m'en fous, vu que je supporte très bien), rebelote pour une nouvelle séance de torture. Au bout d'une demie-heure de ce traitement inhumain nous atterrissons enfin. Quand je descends de l'avion, c'est tout juste si mes jambes arrivent à me porter. Ah le salaud ! Je l'étranglerais bien ou lui mettrais bien mon poing dans la figure, mais il est franchement plus costaud que moi. Le seul petit point positif, c'est que je ne suis jamais malade. Mort de trouille, certes! Malade ? jamais ! Heureusement pour moi, tous les moniteurs ne sont pas comme ce tortionnaire sadique. Le mien est sympa et d'un calme « olympien ». Pourtant, il nous est arrivé de vivre des moments d'émotions non prévues. Un jour où nous faisions gentiment notre tour de piste, nous arrivons en « vent arrière », c'est alors que surgissant de nulle
 part, un  Nord 262 « Frégate » nous coupe la route, à la perpendiculaire de la nôtre, à la même altitude que nous, à peine à 100 m de notre  pare-brise. Il passe devant nous à la vitesse de l'éclair. Nous n'avons même pas le temps de réaliser ce qui nous arrive qu'il a déjà disparu. Certes, le 262 « Frégate » n'est pas un Airbus A380 mais c'est quand même un bi-turbopropulseur au moins cinq fois plus gros que nous. On ne sait pas si cet avion avait reçu l'autorisation de la tour de contrôle mais cette manœuvre est rigoureusement interdite et surtout sans même avertir les avions dans le circuit. On apprendra plus tard qu'il s'agissait d'un appareil participant au défilé aérien du 14 juillet à Paris et qui faisait sa petite « reconnaissance » ! Ah ces militaires ! Mais je ne vous ai pas encore signaler ce qui allait suivre. Imaginez un paisible pêcheur, dans sa barque sur un grand fleuve immobile et calme. Il surveille avec attention son petit bouchon sentinelle. Soudain, un de ses affreux engins motorisés, un de ces « jouets pour adultes » nommés « hors-bord » passe au large. Que va-t-il se passer ? Il le sait à l'avance, et vous aussi ! L'eau et l'air étant des « fluides » ce que tout le monde sait, à part ceux qui viennent de sortir récemment de notre école publique en état de décomposition avancée, vous allez comprendre ce qui est arrivé à notre pauvre petit Cessna 150 ! Un chalutier, dans une mer du Nord déchaînée par force 10 n'aurait pas été plus secoué que nous. C'est ce qu'on appelle, dans le  jargon aéronautique, une « turbulence de sillage » ! Et comme « turbulence », elle était plutôt « gratinée »  celle-là ! Mais nous y avons survécu, bien heureusement. Je vous épargne la bordée d'injures et de propos vulgaires que nous avons débités à ce moment là, qui était plutôt dû à une trouille rétrospective qu'à une mauvaise éducation.
Comme il est écrit dans la Bible : « tu ne connaîtras ni l'heure, ni le jour » Pour le « lâché » d'un pilote novice, il ne s'agit pas de sa disparition funèbre, mais de son premier vol en solo. Quoique les deux choses puissent se confondre si cela se passe mal ! Pour ne pas augmenter le stress de son élève, le moniteur ne lui révèle jamais le jour où il lui laissera faire le grand « saut ». Il le prend toujours par surprise. A la fin d'un énième tour de piste, l'avion se pose, roule sur l'herbe. Votre moniteur l'immobilise, et vous le voyez sauter de l'appareil. A peine remis de votre surprise, il se retourne pour vous dire : « Bon ! Maintenant, à toi de jouer ! Et il vous claque la portière au nez !
Voilà ! Voilà ! Voilà ! Quand faut y aller, faut y aller ! Un dur moment de solitude ! C'est moi qui vous le dit ! Ce n'est pas comme avec une voiture ; un coup de blues, une angoisse, on freine, on se range sur le côté de la route, et on respire un grand coup ! Là-haut, il n'en est pas question ! Le « pouce, je descends, j'en ai marre » est formellement interdit. Alors je pars à bord de mon petit avion cahotant sur les touffes irrégulières de la piste en herbe, le cœur dans la bouche.
Au seuil de piste j'appelle la tour : « Fox, Bravo,Roméo, Xray, Kilo, au seuil de piste, prêt à décoller ! » Prêt ? C'est vite dit ! Je vérifie encore mes volets, mon compensateur. La tour me donne l'autorisation de décollage. J'enfonce la manette des gaz à fond et tente de maîtriser
ma « monture fougueuse » car il y a une petite chose dont on ne nous prévient jamais assez ; c'est que dans ces tout petits avions, la « perte » d'un passager joue considérablement sur les réactions ordinaires de l'appareil. Hop!Mon avion quitte le sol en me surprenant un peu à cause de la distance plus courte de roulement.
Je « rends » du manche (non ! Je ne vomis pas!) Je me mets légèrement à l'horizontal pour augmenter la vitesse. Dès que mon « badin » (avec lequel il n'est pas question de badiner!) m'indique une vitesse suffisante, je tire sur mon manche (qui n'est pas du tout ce que vous croyez ! Vilaines!) et je commence l'ascension. Vous dire que je suis inquiet et que je stresse un brin serait un doux euphémisme comme
nos « journaleux frileux» en pondent quinze par jour ! J'entame mon premier virage à gauche, et lorsque je me retrouve en « vent arrière » je me mets en palier. Le « vent arrière » qui n'est pas non plus un « pet foireux » indique que nous sommes à contre QFU. Je pourrais vous parler longuement du « code Q » mais ce n'est pas l'objet de mon propos. Je sais que beaucoup de gens l'emploie pour des occupations ludiques et « sportives » mais dans ce cas là, cela n'a strictement rien à voir avec l'aviation ! Donc je suis en « vent arrière ». Et c'est là, mes enfants que le drame survint ! Par le haut-parleur de la cabine, j'entends soudain un autre avion demander à la tour de contrôle son intégration dans le circuit par la procédure en PTU, soit aussi en vent arrière et sur MON circuit ! Horreur ! Malheur ! Heureusement, la tour, en toute logique lui répond :
-Négatif ! Vous avez un « lâché » en cours !
Le « lâché » c'est moi, bien sûr ! Hou ! La ! La ! Que je « balise » encore d'avantage ! Car s'il y a bien aussi une chose que je craint en l'air, ce sont les collisions. Et que croyez-vous que fit cet abruti définitif ? Banco ! Tout d'abord, je ne vois rien. Je me défonce les cervicales pour examiner tout autour de moi. Puis soudain, j'aperçois un « Wassmer » sur ma droite. C'est un petit monomoteur à ailes basses. Il est à ma hauteur ! Même pas à quelques mètres !
_Mais il va me percuter, ce con ?  Mais non. Il vire à mon côté, en restant sur la droite.  On forme une belle « patrouille ». Patrouille que je n'ai absolument pas voulu ni souhaitée, comme vous pouvez l'imaginer, naturellement! Je suis à la fois fasciné et terrorisé. La tour de contrôle a beau engueuler cet imbécile ; peine perdue ! On fait notre
 « étape de base » (trajectoire perpendiculaire à la piste) toujours ensemble. C'est au cours du dernier virage (en priant que ce ne soit pas le tout dernier pour moi) que je me pose « la » question ! Qui va atterrir en premier ? Oh mais pas de problème ! On descend tous les deux rigoureusement sur le même plan. Je me concentre sur ma descente en « zappant » totalement le « gredin » qui m'accompagne. Moi, j'ai toujours adoré les atterrissages. Bien que ce soit la phase la plus délicate, c'est celle du vol que je préfère. Elle me rapproche de mon "doux" plancher des vaches.
Ce qu'il y a d'intéressant sur ce beau terrain de Lognes, c'est que la piste était assez large pour deux. Mon atterrissage est parfait. Je fait  mon « arrondi » juste comme il faut. Ah !Comme il est bon  et doux de sentir les roues vibrer à nouveau sur les touffes d'herbe de cette brave piste qui est devenue en vulgaire béton actuellement! Je regagne le parking fier et soulagé.
Je ne me suis pas du tout intéressé au sort de mon "tourmenteur". Je ne sais même pas ce qui lui est arrivé. Je souhaite simplement qu'il ait eu de bonnes raisons pour faire en sorte que je vive un « lâché exceptionnel » sinon, il a dû souffrir pour le renouvellement de sa licence.
Je ne suis jamais devenu pilote. Ce fut un beau rêve qui m'est resté à jamais inaccessible. Par contre ma passion, mon amour pour ce monde merveilleux de l'aéronautique est resté intact, et le restera jusqu'à mon dernier souffle.

Ps: Les photos en noir et blanc sont de mon entière production!

lundi 22 juin 2009

La petite porte du hangar

En cette année du centenaire du premier salon de l’aéronautique, il me revient un souvenir extraordinaire que j'ai vécu à l’âge de treize ou quatorze ans. Mon père connaissant ma passion pour le monde de l’aviation, en fit part à un copain à lui. Un jour, cet homme de confiance m’emmena dans sa voiture, encore rare en ces années d’après guerre, vers un endroit mystérieux et plein de secrets. La voiture garée, nous pénétrâmes dans un vaste champ envahi par des herbes folles et sauvages, que des jardiniers avaient déserté depuis fort longtemps. Au fond de cette « savane » bien de chez nous, se trouvait un immense hangar, haut comme une cathédrale. Du moins, c’est l’impression qu’il me fit à l’aune de mes treize ou quatorze printemps. Arrivé devant la façade de ce monument de brique et de tôle, je vis une petit porte tout à fait ordinaire dont la partie supérieure était vitrée de petits carreaux.
Mon tuteur d’un jour sortit de sa poche une grosse clé rouillée et se mit en devoir d’ouvrir l’huis de cette antre inconnue.
Ô mon Dieu ! Le choc que je ressentis alors, est encore présent, des décennies plus tard, au moment précis où je vous narre cette aventure. D’abord un silence sépulcral. Une lumière solaire tombant de grandes baies vitrées du toit. Une odeur de vieilles huiles, de poussières, et de cuirs. Et là, devant mes yeux éblouis d’enfant, toute l’histoire aéronautique de mon pays sous la forme de vénérables fantômes d’aluminium, de bois, de toiles, de verre et d’acier! Des nacelles en osier de dirigeables, grandes comme des autobus, pendaient du plafond ! Et je reconnus là, des trésors que j’avais déjà examinés dans mes précieuses revues d’aviation ! Des moteurs en étoiles, des vieux réacteurs ! Un énorme tuyau vertical : « l’ATAR volant » !
Un petit avion à moteur-fusée allemand, tout ramassé sur lui-même ! Le Messerschmitt 163, « Komet » Une rareté ! Les avions Leduc et leur poste de pilotage où le pilote était couché !
Et tout ça, pour moi TOUT SEUL ! Pas un chat ! Pas même une souris ! J’avais pour moi tout seul tous ces immenses trésors ! Ah ! J’étais le roi d’un jour ! Je courrais dans les allées ! La tête me tournait un peu ! C’était trop pour ma petite cervelle de gamin. Soudain, dans un coin, je remarquais un simple train d’atterrissage. Lorsque je lus la petite plaque explicative, placée entre les roues, mon émotion fut à son paroxysme. Il s’agissait du train d’atterrissage que Nungesser et Coli avaient largué, juste après leur décollage du Bourget, pour s’alléger, lors de leur tentative de traversée de l’Atlantique est-ouest en 1927 ! Ils disparurent en mer, le 9 mai de cette année-là. Et c’est tout ce qui restait ce drame. Leur bel avion s’appelait « l’oiseau blanc ». Et j’étais devant ses pattes, si j’ose dire ! Vous imaginez un peu ?
Tous ces trésors dormants comme la « belle » du même bois ? Bien sûr les années ont passé. Un magnifique et grand musée est né au Bourget que j’ai eu aussi le plaisir de visiter. Son directeur actuel Gérard Feldzer est un homme charmant et passionné, que j’admire et que je respecte beaucoup. Ancien pilote lui-même. Mais mon cher Gérard qui avez la chance (ou la malchance) de porter le même prénom que moi, qui dirigez un immense complexe plein d’avions et de fusées, vous n’aurez jamais le bonheur que j’ai eu, un jour, en franchissant la petite porte d’un hangar.

PS. Grace au web, j’ai retrouvé « mon » hangar » ! Il est situé à Chalais-Meudon. Et j’y apprends avec bonheur qu’il est en rénovation car c’est lui-même un monument historique trop longtemps méprisé. (Voir le lien)

-----> Photo prise au Parc de Sceaux le 20/09/2012! 
PS Un ajout de dernière minute que je dois à un internaute sur facebook au pseudo de piper pote: il a eu la bonté de me donner une photo du hangar tel que je l'ai vu.