mardi 15 avril 2008

« Mister Ed » Mon bon samaritain (5)

Les civilités et les politesses passées, il fallut que cette brave famille Gluth
traîta le « produit exogène » le plus rapidement possible.
Ils connaissaient mon problème et voulurent le régler à l'américaine!
C'est à dire, avec célérité et efficacité!
Manque de pot, un visa « touriste » est aussi difficile à changer en « carte verte » aux Etats-Unis que pour un français de parler du montant de sa fiche de paye.
C'est vous dire l'exploit impossible que cela représente!
A propos de fiche de paye, Mister Gluth me déclara un jour qu'il gagnait deux cents dollars par semaine!
Il se serait foutu à poil devant moi, que ma gêne n'aurait pas été plus grande! Vous vous rendez compte? Dire ça à un Français, sans précaution?
Et à un étranger par dessus le marché?
Quelle impudeur, ces Américains, je vous jure!
Aucune crainte du fisc ou de l'envie de leurs voisins, ces pauvres américains!
Ils sont d'une naïveté sans bornes!
Une fois, longtemps plus tard, j'ai voulu coller ma fiche de paye sur la porte de mon bureau!
J'ai failli être lynché par mes collègues!
On ne plaisante pas, en France, avec ce que vous donne votre patron!
C'est définitivement « secret » et « tabou »!
Montrer ses fesses et ses parties génitales, à la rigueur!
Mais sa fiche de paye? Ça? Jamais!
Pour revenir à ma « green card », je n'eus pas la même chance que Gérard Depardieu eut dans le film du même titre.
C'est pas à moi, que serait arrivé le bonheur d'être hébergé par une Andy MacDowell de rêve!
Madame Gluth étant aussi « sexy » que son robot culinaire, rutilant et dépourvu du moindre « germs ».
Mais ils sont partis vaillamment « en guerre, » pour le sauver « le soldat Gérard », avec courage et détermination.
Ils firent d'abord jouer leurs nombreuses relations des « témoins de gévéor ».
Et Dieu sait si elles étaient hétéroclites et variées.
Mais le mieux, c'est que je vous dresse le portrait individuel de chacun d'eux.

Tout d'abord, j'eus la joie immense de rencontrer un commandant de bord, pilote de 737 sur une petite compagnie aérienne.
Car le privilège qu'il m'accorda, est absolument unique dans ma vie, et totalement impossible à renouveler de nos jours.
Pour des raisons que chacun comprendra aisément!
Figurez-vous que j'eus le privilège insigne de visiter, grâce à lui, la tour de contrôle de Chicago O'Hare, qui était le plus grand aéroport de la planète.
Un de ceux dont le trafic est l'un des plus denses de la terre. C'est lui qui servir de modèle pour le mythique film catastrophe: « Airport »
Je visitais même « l'approche », salle des radars où dans autre film mythique:
« Y a-t-il un pilote dans l'avion », un contrôleur farfelu transforme son « scope » en machine à laver le linge!
Mais, même pour balayer les hangars, je ne fis pas l'affaire.
Ils me trimbalèrent un soir, dans une belle propriété perdue au fond d’un bois où séjournait un juge, qu’ils nomment là-bas, un « attorney » !
Rien n’y fit !
C’est alors qu’ils m’emmenèrent à Chicago. Nous grimpâmes dans un immense gratte-ciel pour entrer dans un bureau, vaste comme un hall de gare, pour rendre visite à un pote à eux.
Civilités, sourires politesses, et puis, retour à la case départ!
Quand nous fûmes sur le trottoir, Madame Gluth se pencha à mon oreille et en montrant le sommet de ce vaste machin de béton, me susurra sur le ton de la confidence secrète: « His own »!
Voyant mon incompréhension totale, elle répéta: « his own »!
Malgré mon anglais sommaire, je finis par comprendre qu'elle voulait me dire que le gratte-ciel appartenait à l'homme que nous venions de voir!
C'est vous dire l'ampleur de leurs relations!
Plus sordide, je fus trimbalé dans un vaste hôpital où l'on embauchait des employés de salle pour les corvées d'entretien et de nettoyage!
Vous décrire mon « enthousiasme » serait superflu.
Je touchais le fond du désespoir et de la déprime!
Mais le plus beau m'était réservé pour la fin.
C'est quand je vis les drapeaux américains et les uniformes militaires que je commençais avoir des doutes!
Ben ouais! C'était bien ça! J'ai failli partir pour le Vietnam!
Oui! Oui! M'sieurs dames!
Ils n'avaient rien trouvé de mieux que de me faire enrôler dans l'armée pour résoudre mon problème de visa!
Heureusement pour moi, les Etats-Unis ne connaissent pas l'équivalent de
notre « Légion étrangère »!
Comme la baguette, le béret basque, la pétanque, le beaujolais et la tour Eiffel, elle est « Only french »!
Non mais? Vous me voyez dans la plaine des jars? A Saigon?
Bon! J'aurais été sur les traces de mon père, lorsque que
le Vietnam était encore « l'Indochine »!
Mais ce pèlerinage familial ne m'aurait pas ravi outre mesure!
A leur décharge, cela partait d'une bonne intention! Et puis, je ne pouvais rien refuser à mes hôtes!
Nous touchions le fond du désespoir. Il fallut tristement se rendre à l 'évidence!
Je ne serai jamais un citoyen américain!
Heureusement, la famille, dans son infinie bonté, voulu bien m'avancer le prix du billet de retour!
C'est ainsi que je passais encore le Noël aux Etats-Unis, avec, quand même en prime, l'aventure de Frank Borman tournant autour de la lune, dans son vaisseau Apollo!
Les adieux furent déchirants, dans l'aérogare!
Les deux représentantes du sexe féminin chialant comme il se doit, et Mister Gluth hilare et débonnaire comme tous les hommes qui voient leur problème se résoudre!
Car, nous les hommes, nous sommes d'un égoïsme et d' une « insensibilité » proverbiale! C'est bien connu! N'est-ce pas mesdames?
Il m'a quand même offert un « silver dollar », un « Kennedy » fort rare, en guise de cadeau d'adieu!
Je pris alors le boeing 707 d'Air France, immatriculé « FBHSH »pour être précis!
Je le sais, car j'allais l'avoir sous le nez, pendant des années, dans mes fonctions aux Aéroports de Paris!
Je voyageais donc un soir de réveillon du nouvel an, au-dessus de l'atlantique!
Nous n'étions que cinq passagers à bord! Pas un de plus!
On nous avait regroupés à l'avant de la cabine (pour ne pas nous perdre!)
On a quand même eu droit au champagne.
Mais je me souviendrais toute ma vie du film diffusé pour nous « distraire »! Imaginez un écran au fond de la cabine! C'est un film d'aventures! Bagarres, poursuites en voiture, etc..!
Jusque là, ça va!
Mais soudain, les protagonistes, un « gentil » et un « méchant » se retrouvent dans un avion! Plus précisément dans la cabine de pilotage!
Là, je ne sais pas si vous comprenez ce qui se passe!
Ils se battent comme des chiffonniers, bien sûr!
Et qu'est-ce qui arrive fatalement, à votre avis?
Oui! C'est ça!
L'avion par en vrille et plonge vers le sol!
Le seul petit défaut c'est qu'en fonction des turbulences, et de voir cet écran au fond de la cabine, j'avais l'impression horrible que c'était NOTRE avion qui partait en vrille, et qui fonçait vers le sol!
Je me suis toujours demandé quels étaient les parfaits abrutis qui avaient décidé de passer ce genre de film dans les avions de la compagnie Air France!
Enfin, l'aurore s'épanouit à travers les hublots pour chasser tous ces vilains cauchemars, et la délivrance fut proche.
Quand nous nous sommes posé à Orly, la toute première impression que j'eus, et qui me reste encore dans l'esprit, c'est d'avoir eu le sentiment de débarquer dans un tout petit aérodrome de province!
Je vous jure que c'est vraiment la sensation que j'ai eu!
Mais ce « petit aérodrome de province » allait devenir pour de longues années mon lieu de travail, celui que j'ai choisi, que j'ai aimé, qui est attaché à mon âme pour toujours!
Quant à ma charmante petite famille américaine, si vaillante, si généreuse, qui m'a accueilli sans se poser de question, sans rien me demander, je l'ai lâchement oubliée, enterrée dans mes souvenirs, au point de ne même plus savoir ce qu'ils sont devenus.

Cher « Mister Ed » qui ne me dira plus « one day more, one dollar more », je pense que dans son paradis, il doit me regarder de son bon sourire et doit m'avoir pardonné mon ingratitude à son égard!
Que ces quelques lignes écrites pour lui en soit la modeste réparation.

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