jeudi 3 avril 2008

« Mister Ed » Mon bon samaritain (4)

Un jour, Monsieur Gluth m’emmena visiter son lieu de travail, dans la grande ville de Chicago.
Il n’était pas un grand ponte de la finance, ni même un chef d’entreprise, au vu de sa belle et confortable maison ! Non !
Il était comptable dans un abattoir de Chicago. Un modeste employé d’une grande entreprise.
Là encore, quand on connaît un peu sa géographie, et que l’on a entendu parler des célèbres abattoirs de Chicago qui ravitaillent en viande tous les Etats-Unis, on se dit que c’est d’une banalité suspecte ! Et que je suis allé au plus facile !
Ben, pourtant, c’était la stricte vérité.
Donc, nous avons pris son « paquebot » à quatre roues, et emprunté les fameux « highway » !
Sur ces rubans de béton, j’ai assisté à un phénomène curieux que je ne devais plus jamais revoir ailleurs ! Et je dis bien ; jamais !
Tous les véhicules qui roulaient à nos côtés, le faisaient strictement à la même vitesse.
A un point tel, que j’avais la furieuse impression d’être sur un tapis roulant géant.

J’ai commencé par apercevoir la masse sombre de la ville se détachant sur l’horizon.
Bientôt nous pénétrâmes dans cette cité de « gangsters », chantée par Frank Sinatra, qui s’y connaissait bien en matière de voyous et mauvais garçons.
Ma première impression fut celle d’un écrasement terrifiant devant ces immeubles géants.
Je ne les voyais pas si rapprochés les uns des autres. Je compris alors, instinctivement et définitivement que j’étais un être de la campagne !
Puis il me revint en mémoire ces vers de mon enfance, ânonnés pour ne pas être puni, mais qui prenaient ici soudain toutes leurs saveurs :

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine

Merci Monsieur Du Bellay, et merci mes professeurs qui m’avaient forcé à l’apprendre !
Ouais ! Car à ces immeubles effrayants, à ces phallus prétentieux, dressés par la vanité des hommes, j’aurai toujours plus de goût pour les courbes féminines des collines, pour les jolis mamelons verdoyants, pour les forêts aux buissons prometteurs cachant de tendres ébats !
Cette vie de termitière, comme notre héroïque Saint Ex la nommait, ne m’a jamais attiré.
Comme ils sont merveilleux mes petits villages de la campagne française, à côté de ces enfers d’acier et de béton !
Même si je dois faire de la peine à des « aficionados » de la vie amerloque, la vision que j’eus de cette ville est un cauchemar sans nom. L’architecture de ces villes est d’une laideur repoussante. Le moins que l’on puisse dire, c’est que leur souci d’esthétisme, en matière d’urbanisme est nul ! On met le métro aérien sur des piliers d’acier qui traversent les rues, les pâtés d’immeubles aux murs de briques d’un gris poussiéreux, et d’une tristesse à faire chialer un napolitain amoureux !
Pour parfaire le tableau, j’arrivais donc, dans le bureau de Mister Gluth, et comme il se doit, dans un vieil immeuble cradingue en brique rouge. Il me présenta à ses collègues et me fit les honneurs de son lieu de travail. Sordide et conventionnel à souhait ! Il y avait même le classique, « l’éternel » poiscaille empaillé avec son rostre vengeur, l’œil vitreux qui trônait au-dessus de nous ! Il avait l’air de se « tartir » sévère ! Et devait regretter son océan natal autant que moi, ma banlieue parisienne !
Oh ! La ! La ! Que je passais là des moments « passionnants » !
Heureusement, même les cauchemars ont une fin, et nous repartions le soir vers la banlieue qui m’apparaissait soudain, comme un « jardin d’Eden » oublié, après ces séjours forcés au purgatoire de cette ville industrieuse.
Monsieur Gluth avait une curieuse habitude quand il conduisait sa voiture. Bien que déjà d’un certain âge, il écoutait une musique à faire avorter un troupeau d’éléphantes enceintes.
Ça hurlait, ça criait, cela se voulait sûrement moderne et la page, mais c’était une vraie torture pour tympans ordinaires, à base de débauche de décibels !
Un jour, n’y tenant plus, je lui demandais, fort civilement, si c’était réellement ses goûts musicaux !
_Non mon cher « Djirareux » mais ça me tient éveillé ! ça me permet de ne pas m’endormir au volant ! C’est une question de sécurité !

Ah ! ça ! On ne risquait pas de piquer une petite ronflette !
J’arrivais donc à la maison, un acouphène bourdonnant et tenace dans les oreilles, mais….éveillé !
De temps en temps, avant d’arriver, on se faisait une petite escapade dans les environs, car Mister Gluth avait un « vice » inavouable et inavoué pour les ….sucreries ! Vice qu’il devait farouchement cacher à miss « choucroute », comme on cache une maîtresse !
C’est ainsi que nous nous retrouvions, tous les deux, les deux seuls adultes, à faire la queue au milieu de moutards qui ne devaient pas avoir plus de dix ans, et qui nous arrivaient à peine à l’estomac, devant un marchand de barbe à papa ou de pop corn !
Je bénissais le ciel, dans ces moments-là, pour que mes copains d’enfance, et surtout mes potes de régiments, ne me vissent pas dans cette situation pour le moins ridicule.
Mais en franchissant le seuil de la maison, j’avais encore droit au sempiternel :
_One day more, one dollar more !

Aucun commentaire: