Pourtant, j’en ai vu des milliers de film dans ma déjà longue vie ! Mais jamais, jamais je n’ai méprisé, et encore moins oublié les soi-disant « second rôle » ! Certains sont passés au premier, mais beaucoup sont restés au second, voire au troisième.
J’ai toujours eu pour eux une tendresse particulière et un respect qui a toujours perduré.
Qui se souvient de Saturnin Fabre, de Noël Roquevert, de Jean Tissier, de Jules Carette, pour les plus anciens ? Sans eux, nos grands chefs-d’œuvre du cinéma ne seraient restés que des films ternes et oubliés. Ils étaient la couleur, le relief, la saveur, l’humanité indispensable nécessaire pour faire passer la vie sur la toile de l’écran de nos salles de quartier.
L’un d’eux vient de disparaître. Il s’appelait Michel Fortin. Vous l’avez tous vu ! Mais vous êtes incapable de voir son visage ou de vous rappeler son nom au moment où vous lisez ces lignes. C’est bien la preuve de notre ingratitude de spectateurs. Mais pour moi, il est aussi un souvenir cocasse et très vivant.
Figurez-vous que par un bel après-midi d’été, ensoleillé et chaud, j’émerge, après mon boulot des sous-sols de l’aérogare d’Orly, sur le trottoir en face de la tour de contrôle. Là, j’aperçois une collègue qui aurait dû être parti depuis longtemps, mais qui observe quelque chose, en compagnie d’une troupe de badauds. C’est un tournage de film. J’en ai vu des quantités à Orly ! Mais celui-ci est spécial, les acteurs sont très célèbres. Il s’agit de Pierre Richard et de Gérard Depardieu. Rien que ça ! Et le film qu’ils tournent s’appelle « La Chèvre » ! Je suis sûr que beaucoup d’entrevous l’ont vu. Et voilà où je voulais en venir. Le passager dont Pierre Richard veut « emprunter » le chariot est Miche Fortin. Je suis sûr que maintenant vous vous dîtes : « Ah mais bien sûr ! Je l’ai souvent vu ! Je le reconnais maintenant ! »
Pauvre Michel ! Je ne sais rien de sa carrière, s’il a été malgré tout heureux, s’il a bien vécu de son métier, s’il a souffert de l’abandon, de la maladie. Je ne sais rien. Mais il peut être sûr, de là où il peut me voir, qu’il m’a donné des moments de joie et de plaisir inestimables.
Comme les autres, je vais le ranger dans ma galerie des GRANDS « petits » rôles.
Et en prime, je vous offre la scène de « La chèvre » où j’ai cuit au soleil pour voir la gestation de ce grand moment de cinéma impérissable.
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