mercredi 4 juin 2008

Je ne peux plus vous sentir!

N'allez pas croire, qu'il s'agit de ma part d'une crise de misanthropie aigüe, d'une révolte définitive contre la race humaine!
Quoique parfois, il me vienne bien cette sombre pensée quand je vois certaines choses à la télé ou que l'on me fait une queue de poisson sur la route.
Je n'irais pas jusqu'à dire, comme Michel Simon:
_ Le monde entier est à balancer aux chiottes, à part peut-être, deux ou trois putes!
Mais lui, c'était un vrai misanthrope!
Non, plus prosaïquement et vulgairement, à la suite d'un rhume banal, j'ai perdu l'odorat!
C'est vicelard, ces choses là!
D'abord on croit avoir le nez bouché.
Mais lorsque j'eus cuisiné avec amour, une belle recette de soupe à l'ail qui empesta la maison, au grand scandale de mes proches, et que je ne sentis rien du tout, un soupçon angoissant se fit jour dans ma cervelle.
Lorsque que je hachais un oignon, il me fallu un certain temps pour comprendre qu'il ne me faisait plus chialer comme d'habitude.
Poussant l'expérimentation plus loin encore, j'avalais une cuillérée entière de moutarde, qui me brûla la langue, mais laissa totalement indifférent un blase déjà mort!
Pris d'une panique irrépressible, je me mis à renifler comme un perdu tout ce qui passait sous mes narines! Peine perdue! Plus aucune odeur!
Fini le parfum des fleurs et des eaux de toilette.
Fini les bonnes odeurs de grillades de barbecue, de cuisine, de fruits, de légumes.
Tout un univers a disparu pour moi! Je consultais, bien sûr!
Mon oto-rhino, très sympa, et joyeux, me signala que cela risquait d'être définitif!
Paraît que certains virus du choriza ont la « gentille » particularité de bousiller les cellules nerveuses de l'odorat.
Et fièrement, il m'annonça qu'il rencontrait deux ou trois cas comme le mien, tous les ans!
J'en suis très heureux pour lui, et pour ses statistiques!
Je ne gagne jamais au Loto pour l'excellente raison que je n'y joue jamais, mais là, j'ai décroché le gros lot.
Mais comme je rétorquais au praticien:
_Au moins, l'avantage de cette situation, c'est que si je ne sens plus les bonnes odeurs, je ne sens plus les mauvaises, non plus!
Il me répondit guilleret:
_Ah! Je vois que vous positivez votre situation!
Tu parles Max! Faut bien!
Oui! Car aussi fini les odeurs pestilentielles du « gros cul » qui vous précèdent, et qui n'a pas fait régler son carburateur. C'est comme pour certaines odeurs corporelles; quand je côtoyais certaines copines, dont je tairais pudiquement le nom, certaines effluves passées cinq heures du soir, m'incommodaient fortement.
Par galanterie et pudeur, j'étais obligé de me taire.
Maintenant, je peux me coller à elles, avec délices et délectation sans aucune gêne olfactive! C'est-y pas intéressant?
Bon! D'accord! Je ne me sens plus non plus!
Il va me falloir faire attention à l'attitude de mes compagnons.
Si je les vois s'éloigner discrètement, avec une tronche légèrement dégoûtée, c'est qu'il est passé « cinq heures » aussi pour moi!
Ah! Il y a aussi, les « perles », les bonnes « grenades à gaz » d'hydrogène sulfuré, H2S pour les chimistes!
Je peux maintenant relâcher mes sphincters dans ma bagnole!
Je ne suis plus incommodé du tout!
C'est pour le voisinage que cela peut encore être délicat!
Mais que voulez-vous, je ne vais quand même pas me mettre un détecteur lumineux ou sonore dans le falzar?
Si tant est que cela existe!
Autre chose encore!
J'avais toujours eu une répulsion colossale pour toutes les odeurs de poissons frais ou de marée. Cela m'en faisait parfois suffoquer de dégoût! A tel point, que même dans les supermarchés, je faisais toujours un crochet pour éviter systématiquement le rayon poissonnerie. Maintenant, je peux mettre mon tarin à dix centimètres de la gueule d'une anguille, d'un bar ou d'une roussette, sans avoir une irrépressible envie de me barrer en courant!
Vous voyez que tout n'est pas désespérer dans mon état!
On peut même y survivre, et très bien! L'autre jour, en passant devant un cirque en tournée dans notre commune, j'ai brusquement senti une odeur de fauves. Ce dont je fis part à l'oto-rhino! Et celui-ci, pour me refroidir définitivement le moral m'annonça qu'il s'agissait d'un « mirage olfactif »!
C'était bien la première fois que j'en entendais parler!
« Un mirage olfactif »! V'là aut'chose!
Le seul ennui collatéral, c'est que l'absence d'odorat, se conjugue avec une absence de goût!
Et là, c'est beaucoup moins drôle.
Mais excellent pour débuter un régime.
Alors pour me consoler de mes sombres pensées sur ma poésie olfactive perdue à jamais, je me suis mis dans mon canapé, j'ai allumé la télé, et je suis tombé sur le film:
« Le Parfum » d'après le roman de Süskind! Il y a des guignes, comme celle-là, à laquelle on n'échappe jamais tout à fait!

1 commentaire:

Gérard GILBERT a dit…

Je rassure mes lecteurs: après plusieurs mois d'abstinence,mon odorat est revenu. Pas toujours pour le meilleur, car les mauvaises odeurs sont aussi revenues. Le bonheur terrestre n'est jamais parfait!