vendredi 14 mars 2008

« Mister Ed » Mon bon samaritain (3)

Les jours suivants, je nageais dans un brouillard dépressif et cafardeux, très inquiétant.
Une sombre déprime m’avait atteint, malgré la bienveillance de mes « sauveteurs » !
J’avais perdu mes repères, et j’étais plongé dans un monde totalement étranger, sans même pouvoir m’exprimer correctement, car mon anglais était des plus rudimentaires. Mais on fait vite des progrès quand la nécessité vous pique les fesses ! C’est ainsi que je fus bientôt presque en mesure de tenir une conversation. A tel point qu’un soir, au cours d’un repas, et pour montrer toute la reconnaissance et toute l’amitié que j’avais pour ce grand peuple américain, je me lançais dans un grand discours lénifiant et dithyrambique sur la vertu et le courage « légendaire » des compatriotes de « Mr Ed ».
Je vis alors un sourire s’allumer dans l’œil de « Mr Ed » !
(Je traduis directement, car je ne vais pas me lancer dans un américain que j’ai aussi vite perdu que je l’avais appris !)

_Mon cher Gérard ! Je t’arrête tout de suite ! Le peuple américain n’est primitivement constitué que de toute la racaille, de tous les paumés, de tous les malfrats, de tous les voyous, de tous les emmerdeurs religieux, et de toute la lie sociale dont l’Europe voulait se débarrasser en priorité ! Et ceci a constitué le noyau du « peuple américain » !

Plus modeste et réaliste que ça, c’est difficilement possible !
Pour leur compte, les Gluth étaient d’origine suédoise !
D’ailleurs, il suffisait de les examiner tous les trois, pour comprendre qu’ils n’avaient émigrer du Mozambique !
Un véritable archétype de la race aryenne comme les aimait un cinglé notoire !
Toute la région des grands lacs était peuplée alors, d’une population d’origine nordique et germanique !
Et les Gluth en était un élément vachement bien représentatif !
Heureusement pour ma consolation, mes journées étaient égayées par les spectacles extraordinaires que me faisait vivre cet engin magique et merveilleux que j’avais découvert, chez mes tarés familiaux : la télévision couleur !
Car, vous ne pouvez pas imaginer tout ce que j’ai vu de passionnant
de là-bas !
Tout d’abord les Jeux Olympiques de Mexico !
Et il s’en est passé des « choses » durant ces jeux !
C’est ainsi qu’un soir, Mister Ed faillit avaler son whisky de travers !
Lui et moi, on vit cette chose incroyable :
un sauteur en hauteur, arriver devant la barre, lui tourner le dos !
Oui ! Lui tourner le dos, et sauter par-dessus celle-ci !
Nous vîmes, pour la première fois au monde, le « Fosbury flop » !
Bon ! D’accord !
Je suis aussi sportif qu’un tabouret de bar !
Mais quand même !
C’était un évènement historique, que même moi, je sais apprécier !


Autre évènement historique concernant ces jeux ; le geste incroyable des athlètes noirs américains ; Tommie Smith et John Carlos !
Le poing dressé et la tête basse !









Mais le plus beau, le plus merveilleux, le plus extraordinaire, ce fut cet instant magique, juste le jour de Noël, où l’astronaute, Frank Borman lut un verset de la Bible, juste avant que son vaisseau spatial, ne disparaisse derrière la lune, et reste ainsi muet pendant plusieurs minutes ! Trois hommes perdus dans l’espace, à trois cent mille kilomètres de la terre, dans une minuscule « boite de conserve » en aluminium !
C’était pour nous une émotion extraordinaire, et que je vivais dans le pays même de ceux qui en étaient les artisans !


Ce fut la mission Apollo 8, celle qui précéda, l’arrivée des Américains sur l’astre des nuits, l’année suivante, avec Apollo 11 et Neil Armstrong !
D’ailleurs, les Gluth, en bons chrétiens qu’ils étaient, lisaient la Bible en même temps que Frank Borman !
Instant vraiment extraordinaire et magique !
Donc, question « télé » j’étais gâté par les évènements.
Côté traditions familiales, ce ne fut pas mal non plus.
J’eus droit à « l’abominable » fête d’Halloween que des marchands de soupe tentent vainement de nous imposer en France, pour combler leur manque à gagner entre la fin des vacances et les fêtes de Noël ! .
Mais aux « Staïstes » c’était quand même plus charmant et rigolo, car on y bénéficiait de l’authenticité locale.
Surtout quand je vis un père accompagnateur, en short, un bob retourné sur la tête, assis, les genoux repliés, dans le traîneau à quatre roues
de son gamin !
Des spectacles comme celui-ci, aurait déclenché, au bout de dix minutes, un attroupement hilare et moqueur, au pays de Voltaire et de Descartes, qui est le mien !
Mais dans ce grand pays, le ridicule vestimentaire ne tuait plus depuis longtemps !
Bon ! Je sais que depuis cette époque glorieuse, nous les avons largement rattrapés, dans ce domaine là !
Mais à l’époque, cela choquait encore (ou plutôt amusait !) le jeune européen que j’étais !


Ah ! Et le “Thanksgiving Day” Voilà de l’étouffe chrétien, sous la forme d’une énorme et brave dinde qui ne demandait rien à personne !
Surtout pas qu’on lui bouffe sa chair farineuse et sans goût !
Il faut vraiment être amerloque pour apprécier cette bestiole un peu cruche et sans saveur !
Il me fallait pourtant faire honneur à cette grande fête familiale et patriotique !
Comme vous pouvez le constater, je fus vite intégré comme membre à part entière de la famille. Il faut dire que le calme, la gentillesse, l’équilibre psychique et mental de ses trois membres, tranchaient d’une manière absolue d’avec celle de la famille « Derviche hurleuse » qui, hélas, aurait du être la mienne, de l’autre côté de la rue !
Mais que voulez-vous ! On ne peut pas échapper à son destin !

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