En cette période de recherche de parité absolue dans tous
les domaines de l’existence, il en existe encore un, peu connu, où celui-ci fait une résistance
absolument scandaleuse. N’ayons pas peur des mots ! Pour vous le décrire,
je dois vous faire le récit d’une conversation entendue en randonnée, dans une
belle forêt du sud de Paris. Ceux qui pratiquent cette activité bucolique et
sportive savent que celle-ci est souvent émaillée, tout au long de son parcours, de
conversations plus ou moins passionnantes. Les sujets ne manquent pas. Cela va
de la première dent du petit-fils, à la problématique des trous noirs dans le
cosmos. Or, dans l’une de ces pérégrinations champêtres et forestières, j’entends
cette chose ahurissante de la part d’une randonneuse, amie de longue date, comme
quoi, hommes et femmes ne percevraient pas les couleurs de la même façon !
Diantre ? Ventre-saint-gris ?
Cornegidouille ?
Oui ! J’emploie des jurons que les moins de soixante
ans ne peuvent pas connaître ! Il faut bien avouer, avec beaucoup de pudeur, et
de respect, que le « cheptel de nos randonnées » ne fait pas dans la
catégorie des « perdreaux de l’année », comme le disent très
vulgairement, les plus de quarante ans !
Je m’apprêtais à protester courageusement contre cette grave
atteinte à la parité que la "Doxa" moderne nous impose, quand brusquement, me
revint en mémoire un incident domestique tout à fait singulier.
Comme des millions de gens à travers le monde, je possède
une machine à café à capsules. Fonctionnement très simple ; il suffit d’en
mettre une dans l’engin domestique, de s’assurer que le réservoir d’eau n’est
pas vide, et vous appuyez sur un petit bouton électrique encastré qui clignote
en rouge, et passe au vert quand la température de l’eau, suffisamment chaude,
est atteinte pour pénétrer dans la dite capsule. Vous basculez alors un petit
levier, et la préparation d’un merveilleux « jus de chaussette » peut
commencer.
Vous suivez ? Ce n’est pas trop compliqué ?
Mais un
jour…..horreur ! Le petit bouton électrique passe du rouge au…JAUNE
VIF !
Quésaco ? Car j’ai des ancêtres dans le Sud-ouest !
J’appelle mon épouse à la rescousse, car, dans ces cas-là un homme
perturbé dans ses habitudes domestiques, appelle toujours son épouse!
_Regarde chérie ! Enfin, le « chérie » est là
pour ne choquer personne et surtout pas la gente féminine.
_Le bouton de la cafetière est passé au jaune !
_Mais non ? Moi je le vois toujours vert !
POUM ! Là, mon cœur rate un battement !
POUM ! Là, mon cœur rate un battement !
_Quoi ? Tu te fous de moi ? Mais il est
jaune ? Tu ne vois pas qu’il est jaune ?
_Mais non ! Moi je le vois vert ! Dit-elle avec un
aplomb qui finit ne me dérouter. A ce stade du récit j’opte pour deux
hypothèses possibles: ou bien j’ai droit à un « foutage de gueule » en règle, ou ce sont les séquelles mal refroidies
d’une engueulade de la veille. Pour mon bonheur (très provisoire) la copine de
ma femme fait son entrée dans notre foyer. Ouf ! Me fais-je dans mon for
intérieur, car mon « fort »
aurait plutôt des lézardes dans sa muraille ! Me voilà sauvé par l’arrivée
d’un témoin providentiel.
Afin de nous départager dans ce conflit d’une importance
capitale pour la sauvegarde de notre couple, on demande à ce « juge de
paix improvisé » d’examiner l’objet du litige.
Et là, j’entends cette phrase qui me cloue d’effroi sur
place !
-Oui ! Moi aussi, je le vois vert !
A la garce! Elle me crucifie ! Ce n’est pas une
« garce » je vous rassure, mais on dit souvent de ces choses affreuses
sous le coup de l’émotion.
Arrrghh ! ????
Oui ! Parce que là, je ne peux pas traduire mes sentiments en simples
mots !
_Mais enfin ? S. fait un effort ?
Je mets le S. pour préserver un anonymat tout à fait de
circonstances et par pure galanterie.
_Tu ne peux pas le voir vert ? Toi aussi ? C’est
impossible ?
_Vous vous foutez de moi, toutes les deux ? IL EST
JAUNE, ce bouton ! Jaune vif !
Je suis au bord de l’esclandre, de la fureur incontrôlable,
du désespoir angoissant.
Comme je suis un imaginatif foudroyant, ce qui peut être une
merveilleuse qualité dans certaines circonstances, là, se transforme en outil de
torture mentale.
Ça y est ! J’ai un problème grave de vue. Pire, j’ai
peut-être une tumeur au cerveau qui démarre. Mon Dieu, sauvez-moi !
Pourtant, le café passe bien ….dans la cafetière, à défaut
de mon estomac.
J’abandonne mes deux traîtresses pour me réfugier dans mes
«appartements privés », c'est-à-dire mon bureau. Je rumine cette
déconvenue pendant plusieurs jours. A chaque fois ce bouton
« vert-jaune » ou « jaune-vert » me nargue insolemment. Il
est comme une insulte grotesque à mon bons sens, à tous mes sens, puisque ma
vue me trahit sournoisement.
Et soudain, Alléluia ! Et la lumière fut !
Il faut d’abord que je vous dise que j’ai remarqué un
travers très particulier chez mes contemporains, et surtout chez les jeunes.
Alors que nous
utilisons quantité de matériels complexes nous négligeons souvent, pour ne pas
dire toujours, des documents d’une extraordinaire importance : LE MODE
D’EMPLOI !
Je sais ! Ils sont souvent rédigés dans un français
très approximatif, par un étudiant ouzbek ayant travaillé trois mois comme
serveur dans un Mac Do de la banlieue lilloise. Mais enfin ! Il faut quand
même les lire !
Je sais où sont conservés TOUS mes modes d’emploi. Car moi,
je les conserve tous pieusement. Même les plus sommaires, même les plus
modestes. Ça peut parfois sauver la vie. Je pousse même le vice jusqu’à les
scanner sur mon imprimante, et à les sauvegarder sur mon PC. Et il se trouve que
celui de ma machine à café s’y trouve déjà.
Hop ! Quelques clics de souris et je tombe sur cette
« merveille », cette pierre de Rosette, sur ce parchemin précieux, ce
Graal salvateur, ce verset quasiment « biblique » :
« …si le bouton marche/arrêt émet une lumière ORANGE continue, DETARTREZ la machine ».
Jawohl Mein Herr !!
C’est moi qui mets « vicieusement » les mots en
lettres capitales ! Bon ! Je sens déjà venir les critiques plus ou
moins fumeuses. La lumière est supposée être orange, même si moi, je la voyais
jaune ! Mais avouez qu’il est difficile de confondre de l’orange et du
vert ! D’ailleurs, si le constructeur a choisi cette couleur, c’était quand
même pour être bien sûr que l’on ferait la différence ! Oui ou non ?
Mmmmm ! Wouah ! Hé ! Hé ! Hé ! Oh !
Oh ! Oh ! Oh ! Grrrrr !
Ça c’est l’expression approximative de mes sentiments à la
vue de cette belle tranche de poésie didactique !
Le pervers, le sadique, le Belzébuth, le tortionnaire qui
dort en moi (d’un sommeil très profond, je vous rassure tout de suite !) aurait bien eu la furieuse envie d’imprimer deux pages de ce
mode d’emploi et les faire bouffer à mes deux « sorcières »
insolentes !
Mais je ne suis qu’un homme pacifique, doux comme un agneau,
et docile comme gros chat castré.
Je me suis donc contenté de « détartrez » mon
appareil, et Ô joies incommensurables ! Ô bontés séraphiques ! Ô
jouissances éternelles ! Le bouton est redevenu VERT !
Étonnant non ? A la « non surprise » de ma
femme qui, bien sûr, l’avait toujours vu ainsi !
N’est-ce pas ?
Alors revenons un peu à la genèse de cette histoire pour
conclure que le sexisme se cache aussi dans les couleurs. La preuve est bien là
que les femmes ne voient pas les couleurs de la même manière que nous. Il ne
s’agit même pas de daltonisme, ce défaut majoritairement masculin qui altère la
vision des couleurs. Non ! Il s’agit bien de différences, comme certains
insectes perçoivent un spectre de couleurs ultraviolettes que nous ne voyons
pas, nous les humains.
Ou alors, cette cafetière a été faite exclusivement par des
hommes ! Et là, il faut que je vous parle d’un fait totalement hilarant et
incongru, tellement incongru que peu d’entre vous vont me croire. Les
Américains, qui sont toujours des gens très pragmatiques en matière de vente et
de commerce, ont inventé cette « merveille », le W.A.F. ! Autrement
dit :
Women Acceptation Factor.
Je vous mets en annexe un article que j’avais écrit à ce
sujet, il y a des années déjà.
Je vous laisse le bonheur ineffable de la traduction.
Pour revenir à mon épouse et à sa copine, certains ne vont
pas manquer de me dire : « oh mais elles vous ont fait une farce.
Elles vous ont pris pour un idiot, elles vous ont fait marcher comme le gros
naïf que vous êtes sûrement ».
Non seulement je m’inscris en faux, mais je l’affirme ;
elles étaient sincères. Elles ne sont pas du genre « blagueuses » hélas ! Ce qui n’aurait pas été pour me
déplaire, et elles se seraient fait un plaisir de l’avouer quelques temps
après ! Mais non ! Mais non ! Elles étaient sincères !
Allez ! Je vais me faire un petit café pour me détendre
et oublier tout ça !
Tiens ? Ouf !
Le voyant est.....VERT !
Annexe
W.A.F.! W.A.F.!
Un ignoble personnage, le mot n'est pas trop fort, et qui se
prétend journaliste sur une chaîne de radio, a osé l'impensable, a osé
commettre le crime de lèse majesté féminine le plus incroyablement provocateur;
il a parlé du W.A.F.!
Qu'est-ce que le W.A.F.?
Une "amerloquerie" supplémentaire signifiant;
"Women Acceptation Factor"
Autrement dit, la capacité pour une femme d'accepter ou de
comprendre le fonctionnement d'un objet manufacturé.
Non? Sans blague?
Nos charmantes compagnes seraient-elles si différentes de
nous, que des commerçants cyniques et sans scrupules en mesureraient même
l'écart?
Si une femme arrive à utiliser un engin, un produit sans
trop de difficulté, cela signifie donc que cela sera aussi simple…… pour le
reste de l'humanité!
Ah! Qu'en termes galants, ces choses-là sont dites!
Fichtre! Plus sexiste que çà ? Tu meurs!
Et cela vient d'où? Du pays étant censé être à la pointe de
l'égalité, de la parité sexuelle !
Les Etats-Unis! On croit rêver!
On peut lutter contre des "machos" bornés, contre
des mâles primaires qui refusent de se plier devant l’évidence de votre
brillante intelligence, mesdames !
Mais que faire devant des experts financiers rapaces,
cupides, qui ne pensent qu'au rendement et aux parts de marché?
La lutte est inégale! Je dirais même désespérée!
Décidément, la parité n'est pas un long fleuve tranquille!