Ce n’est pas terrible. Je le sais ! J’aurais pu écrire
aussi : Sisley, mais c’est beau !
Bon ! On arrête là les jeux de mots vaseux pour passer à
l’essentiel : L’autre jour, j’ai fait ma randonnée habituelle dans ce
petit village béni des dieux de l’art pictural : Moret-sur-Loing. Car,
pour ceux qui l’ignoreraient encore, Moret est la cité des impressionnistes et
surtout de l’un des plus célèbres d’entre eux : Alfred Sisley. Alfred,
pour les intimes, et malgré un prénom bien de chez nous, était anglais. Ce qui
ne l’a pas empêché d’être un amoureux fou de ce petit coin de France loin de
son Albion ancestral. Pour revenir à Moret et à ses berges du Loing, il faisait
un temps gris, bas de plafond, triste comme un discours politique de campagne
électorale. Ce qui ajoutait à la désespérance du climat, c’était cette nature
sans feuilles d’un hiver qui se traîne, avec ces arbres squelettiques et
endormis. Malgré tout, la promenade le long du canal était passionnante grâce
l’armada de péniches amarrées, bigarrées, parfois aux couleurs vives, et même
criardes, plus étranges et originales les unes que les autres ! Et là, au
détour d’un petit pont, sur une pelouse dégagée, au bord du canal, on aperçoit
soudain un panneau rectangulaire, blanc, planté sur un piquet, incongru,
solitaire. Qu’est-ce ? On s’approche. Ô stupeur ! Ô bonheur étrange
et sublime ! Un tableau ! Et pas n’importe lequel : peint par
l’artiste lui-même. Et que représente-t-il ? Précisément le paysage que
l’on a sous les yeux.
Alors là, je vous demande un moment de réflexion. Voilà un
tableau qui vaut une fortune, des millions de dollars, qui dort sur une cimaise
de musée, et moi, et les promeneurs occasionnels qui passent par-là, nous pouvons jouir
« gratuitement » de la beauté du même spectacle. Ce n’est pas
formidable ? Et ce petit
« miracle » va se reproduire une bonne dizaine de fois, tout au long
de notre itinéraire pédestre. Certains
« pisse-froids », des hépatiques chroniques vont encore jouer les
rabat-joie en nous faisant la réflexion que le paysage a bien changé, que la
« vision » intimiste de l’artiste transfigure ce même paysage, que
l’art « sublime » la pauvreté brute d’une image vulgaire imprimée
dans notre cerveau par un œil bestial et désespérément matérialiste, concret et
sans aucune poésie. Certes ! Réflexion aggravée par le fait que nous
n’étions pas à la même saison. Le tableau a été peint par un bel été lumineux.
Bref ! De retour à la maison, j’examine ma moisson d’images. Bien
triste ! Rien qui puisse faire rêver un amateur de belles photos.
C’est alors que je me souviens, imbécile que je suis, que
j’avais fait la même randonnée, trois ans plutôt, mais en été, ce coup-ci. Et
les photos dormaient encore dans mon ordinateur.
Ah mes aïeux ! Changement de décor ! Par la magie
de mon appareil photo numérique, j’ai retrouvé cette beauté sublime de la
nature autour de Moret. Tout y était ! La belle lumière, les arbres
magnifiques, les saules pleureurs, le charme et la douceur des lieux. Ce petit
village est bien un petit coin de paradis. Maintenant, je comprends qu’un
peintre génial comme Sisley ait pu en tomber amoureux. Et pour bien vous démontrer que je n’exagère
pas je m’en vais vous montrer une photo que j’ai prise et qui aurait peut-être
plu à notre grand artiste. Et voyez comme le sort des cités est parfois étrange. Les Allemands,
pendant la dernière guerre eurent l’idée « généreuse » et « bienfaitrice »
de faire sauter le pont de Moret pendant leur retraite. Ce qui eut pour effet
de détruire, par la même occasion les constructions hideuses de l’ancien moulin
que l’on peut voir sur le tableau de Sisley, au début de cet article. Ce qui a
permis de dégager une belle vue de la ville et de la rendre ainsi encore plus
belle.
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