Voyez comme les souvenirs vous sautent à la figure d’une manière parfois incongrue.
Pénétrant dans une grande surface, pour y faire quelques achats de bouche, je tombe sur une magnifique 2CV Citroën, toute neuve, comme si elle sortait de l’usine du quai de javel. Mais « customisée » à mort, comme une « pute » pour la « réclame » d’une marque de pastis dont un vieux caïman de la politique en avait été le représentant dans sa jeunesse.
En retirant son maquillage outrancier, en la repeignant d’un gris sale, et en y ajoutant quelques détails cocasses, je me suis souvenu de « titine » ma première « dedeuche » !
Il faut dire qu’elle avait déjà une personnalité extraordinaire dû à l’amour quasiment charnel de celui qui me la vendait alors, à regret, des sanglots dans la voix. Un jeune passionné qui avait voulu refaire « la croisière noire » en Afrique et qui, pour de sombres questions pécuniaires, avait dû y renoncer. C’est ainsi qu’il avait ajouré les garde-boue arrière comme on raccourcit la belle jupe d’une dame pour lui permettre de mieux courir. Plus prosaïquement, pour favoriser les dé-ensablements prévus lors des traversées de désert tant rêvées ! Mais la transformation technique la plus remarquable était la pose d’un réservoir supplémentaire de soixante litres, sous la banquette arrière ! Transplantation «d’organe » provenant de feue une DS19. A part une très légère odeur d’essence et une petite élévation des fessiers des passagers arrières qui les obligeaient à courber la tête, on ne voyait pas trop de différence avec le modèle standard. Bon ! Il y avait bien deux bouchons de réservoirs distincts, ce qui pouvait surprendre le premier pompiste venu. D’ailleurs, ça n’a pas tardé !
Lors de mon premier ravitaillement, je laissais sadiquement l’employé à sa perplexité, car à cette époque bénie, on était encore servi par un être humain! Lorsque le compteur de la pompe atteignit les 58 litres, je saisis une brutale lueur d’étonnement dans son regard. Je le vis alors, regarder à droite et à gauche, soupçonneux, comme un voleur préparant un mauvais coup, puis s’approchant de moi, me susurra à l’oreille :
« Vous n’êtes pas un complice de la « caméra cachée » de la télé ? »
Devant ma dénégation formelle, je vis une déception rageuse dans ses yeux et un mépris qui accéléra notre séparation.
Cette provision d’essence me permettait de ne passer à la pompe que tous les deux mois. Le réservoir normal me servant de « réserve » en manipulant un petit robinet sous le volant.
Je ne suis pas sûr que le service des mines fût au courant de ces légères modifications techniques. Comme de bien entendu, il m’arrivait de transporter des copains. Surtout en cette époque de jeunesse turbulente où nous avions une terrible envie de bougeotte.
C’est ainsi que j’emmenais des collègues à moi, sur les grands boulevards parisiens avec titine ravie de cette escapade urbaine. Malheureusement, lors d’un démarrage un peu « sec », à un feu de signalisation passé au vert, j’entendis des cris de détresse provenant de l’arrière ! En regardant dans mon rétroviseur, je vis ce spectacle ahurissant de deux paires de guiboles pointant en l’air, et dont les pinceaux touchaient la capote de la voiture. J’avais oublié ce petit détail fatal à mes deux amis : la banquette n’était pas fixée au réservoir. Je ne vous explique pas les durs moments de solitude qui suivirent, et qui ne furent pas les plus glorieux de mon existence ! Car dans l’impossibilité de redresser la situation (si j’ose dire !) je dus évacuer les deux « victimes » par la porte du coffre. Et en plein boulevard Saint-Germain, au milieu d’une circulation intense, et des coups de klaxon rageurs, la situation fut dantesque !
Mais cette brave «dedeuche » me rendit de tels services par la suite que je ne lui en ai jamais voulu. Et comme navire insubmersible au milieu des tempêtes, on pouvait compter sur elle.
C’est ainsi que je subis l’un des plus violents orages que je n’ai jamais connu dans une voiture. Les trombes d’eau étaient tellement violentes que l’on ne voyait même pas à un mètre !
J’étais sur l’autoroute du Nord, et ma passagère, morte de trouille, croyant sa dernière heure arrivée. C’est alors que je vis avec un amusement sadique de nombreuses voitures arrêtées sur la bande d’arrêt d’urgence, le moteur noyé. Des grosses voitures ! Des voitures modernes ! Des « béêmes » etc… Alors que ma « chaloupe » et ses deux « rames » nous ramenèrent, sains et saufs à la maison. Ce n’est pas elle qui allait être impressionnée par quelques gouttes d’eau ! Ah ! L’ingratitude et le cynisme de la jeunesse. Je ne sais pas comment mourut « titine ». J’en n’ai même plus le souvenir. Je l’ai lâchement vendu pour acheter une R4 Renault.
Mais ce n’est sûrement pas elle qui se serait prostituée pour une boisson alcoolisée qu’on ne peut même plus boire au volant sous peine de sanctions graves !
Ah ! La « fauchetonnerie » des commerciaux ! Elle n’aura jamais de « bornes » celle-là !
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