vendredi 29 février 2008

« Mister Ed » Mon bon samaritain (1)

Il est des injustices que vous commettez involontairement, et que le temps n’efface jamais de votre mémoire.
Le remord vous taraude soudain, au détour d’un souvenir, comme une vieille crampe à l’estomac.
La mienne s’appelle : « Mister Ed » !
Expression empruntée à une très vieille série américaine, qui faisait parler un cheval dans son box !
Un cheval philosophe ! Je n’irai pas jusqu’à dire, que dans ce grand pays, les chevaux sont parfois plus intelligents que les autochtones, mais on n’en est pas loin !
Pourquoi la famille avait-elle baptisé ce pauvre Monsieur Gluth ainsi ?
Pour la très originale raison qu’il se prénommait « Edward » !
Ma faute, c’est d’avoir enfoui dans ma cervelle, pendant des décennies, cet homme merveilleusement bon, un des être les plus généreux, les plus adorables, les plus discrets, les plus effacés, les plus humains, que je n’ai jamais rencontré au cours de ma vie.
Mais pour arriver jusqu’à lui, il me faut raconter une longue histoire !

« L’Amérique ! L’Amérique ! Je la veux, et je l’aurai ! » Chantait Joe Dassin dans les années soixante-dix !
Et le brave « couillon » que j’étais alors, la voulait aussi !
Revenu du service militaire, je glandouillais dans une période de chômage qui s’étirait dangereusement au fil des mois !
Nous étions en 1968 !
Ah ! La belle année de toutes les aventures !
Il s’en est passé des choses ! Et surtout pour ma pomme !
L’année la plus extraordinaire, la plus dense, la plus mouvementée que je n’ai jamais vécu ! Commencée dans les sables de l’Algérie, sur les bords de la méditerranée, pour se terminer sur les bords du lac Michigan, en étant passé par les barricades de mai 68 !
Un vrai festival à donner le tournis ! Bref !
Le malheur voulu (et c’est un vrai malheur !) que nous eussions une vague cousine éloignée vivant aux Etats-Unis !
Ah ! La belle aubaine ! Formidable !
Nous allions pouvoir réaliser notre « rêve américain » !
Car je n’étais pas seul sur les rangs !
Ma jeune sœur de 17 ans à l’époque, partageait le même espoir : vivre aux « stâââtes » !
Les Etats-Unis bénéficiaient à l’époque, d’une aura extraordinaire !
Encore plus qu’aujourd’hui !
Le rock, les « yéyés », la musique, la fabuleuse épopée lunaire, le train de vie, tout fascinait les jeunes gamins que nous étions !
Un magnifique « miroir aux alouettes » !
C’est alors que la « charmante » cousine proposa d’emmener ma frangine comme « baby-sitter » de ses enfants, chez elle, là-bas, à Northbrook, petite ville de la Banlieue de Chicago.
Le rêve se réalisait !
Ma frangine nous expédiait régulièrement des lettres enthousiastes !
Tout se passait merveilleusement bien !
Tellement bien, que je piaffais d’impatience de la rejoindre !
Mais je n’arrivais pas à obtenir le fameux visa d’immigrant !
« Bah ! Qu’à cela ne tienne ! Tu viens avec un visa « touriste »
et on le fera changer une fois sur place ».
Et moi, comme le crétin que j’étais, et que je reste encore un peu, je l’ai cru !
Un beau matin, je me retrouvais à la gare des Invalides, puis au Bourget, ensuite Londres, et Enfin Chicago !
L’arrivée fut prodigieuse ! Un rêve éveillé !
J’étais saoulé par tout ce que je voyais !
Ma pauvre petite cervelle n’arrivait plus a emmagasiné toutes les sensations nouvelles que je ressentais alors !
Je débarquais littéralement sur une autre planète !
Les couleurs, les odeurs, les arbres, les maisons, les voitures, tout semblait sortir d’un film !
Mais ce coup-ci, j’étais dedans !
J’arrivais dans une maison pimpante, en bois, comme des centaines d’autres dans ce quartier calme de Northbrook.
Endroit typique et mille fois vu dans toutes les séries amerloques à la con, que l’on peut voir de nos jours !
Bob, le nouveau conjoint de la cousine était venu me chercher à l’aéroport !
C’était un petit brun, taciturne, peu bavard et avocat de son état.

Je retrouvais la frangine ! Suivirent les embrassades, les pots de bienvenue etc… !
Je fis alors la connaissance des deux charmantes gamines
dont ma sœur étaient censée s’occuper !
Elles étaient allongées à même le sol moquetté de leur chambre.
L’aînée ne devait pas avoir plus de huit ans !
Quant à la cadette, elle avoisinait ses quatre ans bien sonnés !
Et j’étais littéralement émerveillé parce qu’elles regardaient !
Une télévision en couleurs !
Chose rarissime encore en France, où le seul poste couleurs, que je n’avais jamais vu alors, se trouvait au palais de la découverte à Paris !
Que regardaient-elles, ces charmantes petites filles ?
Pas une émission pour la jeunesse, mais une troupe de « girls » en train d’agiter les guiboles en cadence. L’aînée, voyant mes yeux écarquillés, et se trompant sur les raisons de mon étonnement, me lança du coin de l’œil, avec un sourire entendu :
« Hein ! Tu les voudrais bien dans ton lit celles-là ? »
L’incongruité du propos, sortant de cette bouche enfantine
me cloua sur place par la stupeur et la gêne ainsi engendrée !

Sur cette nouvelle « planète » où je venais de débarquer
je n'en étais qu’à mon premier étonnement !

Les premiers jours furent idylliques ! Bob m’initiait aux joies du Gin-fizz ! Je finis bientôt par comprendre pourquoi il s’en imbibait joyeusement de si grandes quantités, tous les soirs, quand il rentrait !

C’est que la cousine « éloignée » s’éloignait de plus en plus de mon estime, et de ma reconnaissance !

Elle se révélait chaque jour un peu plus comme l’hystérique et la virago qu’elle avait dû toujours être! Ce n’était que cris et vociférations où le mot « square » revenait le plus souvent !
Il paraît qu’en argot de là-bas, cela veut dire « conne » ! Quand elle se l’infligeait, cela ne me dérangeait pas trop ! Mais bientôt, ma pauvre frangine en était l’exclusive destinatrice !

Les choses empirèrent au point qu’un rapatriement catastrophique autant que rapide eu lieu sans ménagement vers la mère patrie de la « fautive incapable » !
Et je restais seul, comme un pauvre oisillon tombé du nid, dans un milieu franchement hostile !
Je ne sais pas si vous pouvez imaginer une seconde ma situation !J’étais dans un pays étranger, perdu, sans argent, sans autre relation et connaissance que cette folle à lier, et son poivrot de mari, qui venait de mettre à la porte le seul être humain auquel je puisse me rattacher:
ma sœur !
Dire que j’étais dans une situation désespérée et désespérante, l’expression est faible !
Heureusement pour moi, entre deux orages verbaux de
« Vampirella », et comme les espions qui s’échangent un secret à l’oreille, ma sœur m’avait soufflé ce conseil, d’aller voir la maison d’en face, si j’avais des ennuis!
Ah ! Pour sûr que j’avais des « ennuis » !
C’est ainsi, qu’un beau matin, je me retrouvais sur le palier de la maison de « Psychose » que je venais de quitter, avec ma valoche à mes pieds ! Vous pensez bien que j’étais sorti en catimini en ne réveillant personne !
Et j’examinais alors avec angoisse la maison d’en face qui devait être ma seule et unique planche de salut !
Je ne sais pas si vous vous êtes déjà retrouvé sur un plongeoir de dix mètres, dans une piscine, et que vous n’ayez plus que la solution de sauter pour vous échapper malgré une trouille à vomir !
Voilà ou j’en étais lamentablement !
Comme un automate, comme un zombi, je sonnais à la porte de cette belle maison à la couleur claire et accueillante.
La porte s’ouvrit sur une personne charmante, mince, entre deux âges, avec une « choucroute » blonde et improbable sur le crâne, des lunettes d’écailles du style : « Ciné-monde » des années cinquante, et un râtelier de castors à vous déboiser un bosquet d’arbres en dix minutes !

ÂÂÂhhhôôô ! You are Djirââârde! You know?

Hein? .....? Fis-je dans ma tête! Comment connaît-elle mon prénom, alors que je ne l’ai même jamais vu ? Ça alors ?

Et je compris vite que la frangine avait dû avoir quelques conversations avec cette aimable personne !

(Ne rêvez pas mes Dames! Je ne suis plus comme ça depuis longtemps!)
C’est ainsi que je fis une entrée, sinon « triomphale », du moins salvatrice, dans la maison de « Mister Ed » !
Mais tout d’abord, comme le maître de maison était déjà parti au travail, je tombai sur une petite fille charmante, d’une beauté renversante, à des années lumières, par sa timidité et sa discrétion, des deux futures nymphomanes que je venais de quitter!
Cyndi Lou, qu’elle se prénommait !
Et c’est pas un sketch de « Dany Boon » ! Avec son « marque ta page » !
Elle se prénommait réellement Cindy !
Je n’y peux rien, si la vérité l’exige !
Mais alors ! Quelle maison ! Et surtout quelle propreté !

J’allais comprendre très rapidement que la grande terreur de Misses Gluth, bien avant les Martiens, et peut-être même avant les
« communistes » c’était les « germs » !
Oui ! Les microbes, en français !

A suivre !

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