mardi 20 août 2024

LE GUÉPARD S’EST ENDORMI POUR TOUJOURS

 

C’est le plus bel animal de la faune sauvage. Ses beaux yeux clairs fascinent et terrifient à la fois. Le mien, le nôtre, était un être humain, acteur de son état, il s’appelait Alain Delon. Ses mêmes yeux de fauve nous ont fascinés pendant des décennies. Ils viennent de s’éteindre à jamais.  

C’est drôle ! Je vais vous raconter une histoire de « guépard » qui débute bizarrement du temps de mon adolescence, du temps de mes seize ans. 

Je suis en vacances chez mes grands parents paternels, dans les Ardennes françaises, dans la petite localité de Nouzonville, aux bords cette Meuse majestueuse, lascive et paresseuse. En cette année 1963, sort en exclusivité le film « Le Guépard » de Lucchino Visconti. Il est projeté dans le cinéma de quartier qui se situe en face de la mairie, au bord de la grande place. Ma jeune tante de vingt ans, étudiante en école normale, décide de m’y traîner, vu que c’est le film qu’il faut voir absolument, pour entretenir ce petit vernis culturel nécessaire à toute future institutrice de gauche,  et surtout que ses parents lui ont intimé l’ordre d’y trimballer son jeune neveu pour l’occuper lors de vacances très ennuyeuses. Mais là, les choses ne vont pas se dérouler dans le sens naturel auquel on aurait pu s’attendre. Le jeune adolescent est subjugué, fasciné, envoûté, charmé par tous ces décors naturels fastueux, par ces acteurs aux somptueux costumes, par la beauté onirique que dégage l’action de tous ces personnages. 

Il faut pourtant bien admettre qu’il ne comprend rien à l’histoire, ni à la profondeur psychologique et dramatique de toute cette épopée sicilienne du 19° siècle. Cela se fera beaucoup plus tard, bien évidemment, quand le temps de la maturité sera venue. Mais là où le cocasse de la situation se révèle dans toute sa splendeur, c’est qu’il ne cesse pas d’entendre les soupirs d’ennui d’une tante qui a l’air de se barber terriblement. Ca remue ferme dans le fauteuil, d’un côté sur l’autre. Bref, en résumé ; elle s’emmerde !  Étonnant non ?A chaque fois que j’ai eu l’occasion de revoir ce film, cet épisode de jeunesse me revient en mémoire, avec un certain amusement.

Oui ! Dans le film, le Guépard, c’est Burt Lancaster  le noble sicilien! Pas Alain Delon ! Mais ce bel animal le définit si bien qu’on est bien obligé de le voir ainsi. 

Adieu Tancrède ! Adieu Guépard de mon cœur ! Fauve éternel de notre septième art. 


samedi 17 août 2024

DUO MORTEL DANS LE CIEL ÉTOILÉ

 

L’histoire que je vais vous raconter s’est déroulée, il y a plus d’un demi siècle, 56 ans exactement. Elle est pourtant restée vivace dans ma mémoire. Elle vient de télescoper tragiquement dans mon esprit, celle de ce crash des deux rafales français. Au moment même où j’écris ces lignes, un autre crash tragique, au Lavandou, est arrivé pendant une représentation de la patrouille de France, ce 16 août 2024, impliquant, par le fait d’un hasard morbide, un des deux types avions dont je vais vous parler.  

En ce mois de mars 1968, je finis mon service militaire comme simple soldat dans un endroit hautement stratégique de l’Armée de l’Air française : la vigie de la tour de contrôle de la base aérienne d’Orange-Caritat. Par les grandes baies vitrées, j’ai, durant la journée, en face de moi, le mont Ventoux qui me fait irrésistiblement penser au mont Fuji du Japon, surtout quand la neige vient le coiffer d’un manteau blanc. A ce moment précis de l’histoire, il fait nuit noire. Une patrouille de deux Mirage IIIC décolle devant nous, dans un bruit d’enfer avec, aux fesses, leur magnifique « chalumeau » de la post-combustion que produit leurs réacteurs, et qui éclaire la piste de décollage. Je note consciencieusement l’heure de décollage, car c’est ma fonction première et qui est surtout très importante pour les carnets de vol de ces messieurs, les pilotes de chasse. La mission de la patrouille est d’aller sur Dijon-Longvic, s’y poser et de revenir au bercail. Du très banal, donc ! Voilà, ils sont partis.Ils disparaissent vite dans le ciel  étoilé. Comme je n’ai plus rien à faire, que ma vacation se termine une heure plus tard, et que je suis curieux comme le jeune passionné d’aviation que je suis,  au lieu de rentrer dans mes « appartements » à la location gratuite, mais très provisoire, je descends dans le lieu très mystérieux et très affairé de la salle des radars, située dans les sous-sols même de cette tour de contrôle. L’ambiance est plutôt relaxe. Trois gros écrans ronds où tourne sur son axe une ligne lumineuse, trônent contre un mur du local. Un officier est en train de « causer » avec un pilote de Mirage IV en approche grâce au SPAR, drôle d’écran vertical ! Il a pour mission de surveiller la fameuse « porte GCA » dont on fait chercher la clé à une bleusaille innocente dont je n’ai pas fait partie ! Je le jure. Soudain, le drame surgit d’une façon bizarre, et assez vulgaire. Déjà par un gros mot d’un opérateur « bordel ! Qu’est-ce que c’est ? » . Trois grosses « bananes » vertes parallèles viennent de surgir sur les trois écrans. Tous comprennent immédiatement de quoi il s’agit. C’est le CIF de détresse d’un appareil qui vient de se déclencher. Le CIF est le dispositif électronique aérien qui correspond vaguement au « transpondeur » des avions civils. C’est lui qui permet d’identifier les avions en vol. Mais « trois bananes » cela signifie qu’un des appareils a fait fonctionner son siège éjectable ! Un crash vient de produire, avec une certitude macabre. Pas besoin de vous préciser que je fus, moi aussi, éjecté vite fait du local, et que j’ai dû comprendre tout le drame qui s’était joué dans le ciel, dans la vallée du Rhône, que quelques heures plus tard.  

Pendant des années, j’ai vécu sur un tas de légendes plus ou moins fantaisistes sur cette histoire tragique. La réalité immédiate et indubitable, c’est que j’ai revu l’un des pilotes d’un des Mirages, quelques jours plus tard, au BIA de la base qui reposait un nouveau plan de vol, comme si de rien ne s’était produit. La routine quoi ? 

Mais là où on atteint au sublime, c’est lorsqu’il me prend soudain l’idée de faire une recherche sur Internet pour voir si l’accident n’y était pas relaté ? Allez savoir ? Bingo ! Et pourquoi n’y ais-je pas pensé plus tôt ? Mystère ! 

Au-delà de mes espérances et de mes espoirs ! Je suis tombé sur le récit d’un des pilotes survivants. 

En gros, on savait qu’un des Mirages était tombé en panne à Dijon, et que son pilote avait voulu rentré sur Orange en Fouga-Magister (d’où l’actualité tragique de ce monument  volant de l’aviation française) ! La rumeur précisait que les pilotes avaient décidé, seuls, d’entreprendre la simulation d’un combat aérien, en pleine nuit, sous l’autorité de la station de contrôle Rambert (3) (Centre de Détection et de Contrôle de Lyon Mont-Verdun). Que des petits gars du contingent avaient patrouillé deux jours entiers pour retrouver le corps de l’adjudant Tiné..  Au passage, je n’ai jamais oublié son nom, même après un demi-siècle. On nous avait même dit que ce pauvre pilote avait eu la jambe arrachée et bien qu’arrivé au sol, grâce à son parachute, il était quand même mort de ses blessures. Enfin, j’ai toujours cru que c’était la queue du Mirage IIIC qui avait coupé en deux le Fouga-Magister entre les deux sièges de pilote. 

Voilà sur quoi j’ai vécu comme souvenirs pendant toute cette période. Je ne me rappelle pas d’un grand tapage médiatique comme aujourd’hui. Pas de « cellule psychologique » à l’horizon. Pas d’interview précoce des parents du malheureux adjudant Tiné par une presse de vautours. Le cynisme obscène des chaînes d’infos n’était pas encore une pratique courante. Il faut dire que de graves événements sociaux et politiques étaient déjà en gestation et occupaient plus l’esprit des gens qu’un banal accident aéronautique. 

Alors, jugez ma stupeur et ma joie d’être tombé sur cette page du web où le rescapé du fouga-magister coupé en deux raconte son drame. 

Donc, je lui laisse l’honneur et l’avantage de faire le vrai récit de cet accident tragique.: 

Vol de nuit tragique au 1/5 "Vendée

MIRAGE IIIC 



FOUGA-MAGISTER