jeudi 13 août 2009

Le pirate humanitaire

Dans mon bureau du bord de piste, je baille ferme, car la faim me taraude l'estomac. Une grande baie vitrée m'ouvre la vue sur le tarmac de la piste de l'aérogare d'Orly Sud, et précisément sur le cul des avions qui sont garés « nose in », c'est à dire face au bâtiment. J'ai un bon boulot. Je suis coordonnateur d'aérogare. Mon job consiste à fournir des bus pour les passagers des avions qui ne sont pas garés au contact de l'aéroport, aussi bien pour l'embarquement, que pour l'arrivée des vols. Tous les avions n'ont pas la chance de bénéficier de belles passerelles télescopiques pour le confort pédestre de leurs passagers. Donc, suivant la taille des aéronefs, j'en envoie, un, deux, jusqu'à six quand il s'agit de « vider » ou de « remplir » un 747, par exemple. Pour ce faire, j'ai un beau micro et je « cause dans l'poste », par radio, pour donner des ordres à mes chauffeurs de car.

_N°20! Vous allez en « delta 15 » sur le vol « Pan Am 118 » en « H moins dix » à l'arrivée!

Sur le côté du bureau trône une « bizarrerie », une chose
« antédiluvienne » nommée « Teleautograh »
d'où sort un rouleau de papier. Sur ce ruban blanc s'agitent deux bras en alu emprisonnant un stylo qui m'écrit les informations nécessaires à ma mission. Il s'agit du numéro de vol de l'avion qui vient de se poser et surtout de son numéro de parking que mes potes du PCR lui ont attribué. Le PCR, c'est la tour carrée, flanquée d'une horloge, faisant face à l'aérogare et que vous apercevrez peut-être quand vous serez dans le grand hall vitré, au premier étage, et que vous daignerez regarder dehors, en direction des pistes d'envol. Dans ce bocal perché à 15 m bossent nuit et jour, mes collègues dont la mission est d'attribuer une place à nos gros oiseaux mécaniques.
Mais j'aurai l'occasion de vous en reparler un autre jour, car j'ai aussi « sévi » dans cet aquarium infernal.
Oui! C'est bien moi! Et la régulation cars, vous l'apercevez derrière moi, à l'extérieur! Mesdames! Ne fantasmez pas! Je ne ressemble plus à ça, du tout, depuis longtemps! la photo est prise de la vigie du PCR!

Pour les départs, de charmantes hôtesses, à la voix «bandante à souhait », me passent la « commande » par « bigophone ». J'ai alors, à ma disposition, un écran de télévision sur lequel je peux voir la rangée des fameux « strips » qui me donnent le numéro de parking de l'avion. Le « strip » dans le jargon de la navigation aérienne, est un long ruban de papier, sur lequel se trouvent toutes les informations importantes concernant un avion en vol, et le plus souvent, disposé sur une réglette en plastique. Par extension, et surtout par snobisme, nous en avons récupéré le terme. C'est vous dire la « modernité » de nos moyens de communications! Quant à mes « boys band motorisés » Si une grande partie de ceux-ci se trimbalent sur les aires de parking, l'autre patiente près de moi, dans une pièce qui ressemble à une salle d'attente de chez le dentiste. Nous sommes séparés par une vitre et un guichet de postier par lequel je leur file leur ordre de mission.
Il y a plus de « Mohamed », « d'Ibrahim », « d'Abdalah », « d'Antonio »,
« de Jésus » que de « Jacques » ou de « Michel ». Mais tout ce petit monde s'entend à merveille, et les conflits sont rares. Ça bouquine des revues, ça braille, ça rigole, ça boit du café, ça s'interpelle, ça chahute pour tuer le temps qui passe. Rien que du très courant, et du très ordinaire.

Mon estomac proteste comme un chat qui réclame sa pâtée. Cela tombe bien, mon collègue revient de la cantine pour me relever. Je lui file les consignes et les vols en cours, puis je mets ma belle veste bleu-roi dont le bas des manches est orné de deux beaux galons dorés, me donnant l'allure d'un lieutenant de l'Armée de l'Air! Mais avec ma belle « gâpette » flanquée au centre d'un magnifique blason cousu de fils d'or, j'ai plutôt l'air d'un pilote de ligne! Mais « l'air seulement »! Je vous rassure!
Je sors donc du bâtiment « 401 » (c'est son matricule) et je m'engage sur la piste tracée à la peinture, à même le sol, qui mène au bâtiment principal. Cette « voie » est le chemin obligatoire par lequel passent les employés et les différents véhicules de service. Je traverse d'un pas serein, en rêvassant comme à mon habitude. Mais au milieu du passage, j'ai sur ma droite, à une distance d'à peine une dizaine de mètres, un bon gros Boeing 707 de la PIA (compagnie aérienne pakistanaise) qui vient de terminer son « push-back » et qui me brise les oreilles du sifflement de ses quatre réacteurs tournant pourtant au ralenti.
Le « push-back » est l'opération qui consiste à repousser un avion au moyen d'un tracteur de piste, petit mais « mahousse costaud », pour mettre le gros « zoisiau » en position de roulage. Car ce brave appareil ne peut pas reculer tout seul. Pour l'anecdote, sachez qu'autrefois (et je l'ai connu!) les avions étaient positionnés
« nose out », c'est à dire le nez tourné vers l'extérieur.
Ils pouvaient donc partir tous seuls comme des grands. Le seul très léger « inconvénient » était que pour s' élancer, ils devaient mettre les réacteurs à fond, pour vaincre l'inertie. Ce qui occasionnait pour le moins grave, un surplus de
« climatisation » intempestive dans les salles d'embarquement. Encore, l'hiver, cela pouvait se supporter aisément, à part une très légère odeur de kérosène. Mais l'été, c'était franchement superflu! Et pour le pire, cela envoyait valser en l'air objets et personnels! Question « hygiène et sécurité » c'était pas l'idéal. Pour revenir à mon « Boinge » en attente, je m'amuse à voir les têtes des pilotes et leurs « mimines » qui s'agitent à compulser un tas de paperasses! Ce que j'apprendrais plus tard, c'est que ces papiers, c'est mon propre frangin qui les leurs avait fournis. Etonnant non? Ce genre de détails ne peuvent pas s'inventer. Car mon frère travaillait alors au « centre opérationnel d'Air France » et la PIA était une compagnie assistée par les français. Il était celui qui remettait aux commandants de bords, les dernières informations techniques concernant le vol futur. C'est pas tout ça, mais mon estomac me réclamant toujours d'avantage, je continue mon chemin. Je pars donc claper comme un furieux à ma cantine d'entreprise qui se situait alors au deuxième étage avec vue imprenable sur la nationale 7, et les parkings à voitures. Une bonne heure plus tard, après le café, les discussions avec les copains, le lèche vitrine du sous-sol, je repars en direction de mon boulot.
Je retraverse la piste. Et là, m'attend une surprise de taille!
Mon « Boinge » est toujours là! Il n'y a plus de tracteur de piste. Il est donc prêt à partir. Mais il ne bouge toujours pas! Oh!Oh! Est-ce le même appareil? C'est plutôt étrange!
Aurais-je loupé une « rotation »? Oui! Car un autre appareil est peut-être venu prendre sa place entretemps! Et nos « rotations », surtout au contact, peuvent ne durer que quarante minutes parfois!
Et ben non! C'est bien le même 707 de la PIA! Mais qu'est-ce qu'il fout là? Un problème technique? La navigation aérienne lui a repoussé son plan de vol? Encore plongé dans mes interrogations, je franchis la porte de la régulation cars! Et là, mon collègue me saute sur le paletot comme un furieux, en ne me laissant même pas le temps d'arriver!
_Gilbert! Gilbert! Tu sais pas ce qui se passe sur le 707 ?
_Ben non! Fais-je lamentablement!
_Y a des pirates de l'air dans le poste de pilotage!
_Non? Tu plaisantes?
_Si! Si! Je t'assure!

Je prends conscience que je viens de passer à quelques mètres d'un drame dont je n'ai même pas soupçonné une seconde, la tragique réalité!
Mais le plus « inouï », et je suis sûr que vous l'avez noté comme moi, c'est qu'aucune force de police, qu'aucun membre du GIGN (qui n'existait pas à l'époque) ne m'a empêché de traverser les pistes! Je suis passé tranquillement, comme Baptiste, sous le nez des preneurs d'otages.
Je me demande même ce qu'ils ont dû penser en me voyant traverser en uniforme. Mais pas un gendarme, pas un flic à l'horizon! Je n'ose pas imaginer la même situation à notre époque.
Et pourtant, je vous garantis l'authenticité de cette histoire.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on « zieutait » ferme, à travers la baie vitrée, pour voir ce qui se passait, là-haut, dans la cabine. A vrai dire! Pas grand chose! Désolant d'ennui, ces longues minutes d'attente! Mais le plus frustrant, c'est que ma vacation se terminait à quinze heures, et la prise d'otages n'était toujours pas terminée! Que pensez-vous qu'il arriva? Ben rien! J'ai retraversé tranquillement la piste, toujours sous le nez de mon « boinge » piraté. Il n'y avait pas de raison de se priver, puisque personne ne m'en empêchait! Vous pensez que j'ai eu peur? Même pas!
Vous pensez que je suis courageux? Même pas! Car je n'ai pas envisagé une fraction de seconde qu'ils puissent me tirer dessus! C'est donc tout banalement, de chez moi, dans mon petit studio, à la télé que j'ai appris, non seulement la fin de la tragédie, mais tous les détails de cette histoire rocambolesque. Déjà, il n'y avait pas plusieurs pirates, mais un seul! Oh! Mince alors! Cela diminuait terriblement la valeur de mes « exploits ». Et ce « pedzouille » de pirate n'était qu'un vulgaire petit français, la main sur le cœur, qui avait fait tout ce cirque pour que l'on donne des « médicaments » au Bangladesh! Ah! je vous jure! Quelle déception! On était très loin de nos affreux terroristes islamistes qui détournent des avions pour les balancer sur des tours!
M'enfin! Comme le soupir de Gaston Lagaffe! Ça fait quand même des souvenirs à raconter aux (futurs) petits enfants!
Le fin mot de l'histoire c'est que « mon » pirate généreux s'appelait Jean Kay, et qu'il fut défendu à son procès par un grand personnage, ancien ministre du général De Gaulle, qui se nommait André Malraux! Tout de même!
Si vous voulez en savoir plus, je vous donne le lien sur Wikipédia qui vous en dira plus.
Et cela se passait exactement le 3 décembre 1971.


http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Kay

jeudi 6 août 2009

Qu’est-ce qu’on a fait des tuyaux ?

Des lances et de la grande échelle
Qu'est-ce qu'on a fait des tuyaux?
Pas de panique il nous les faut !

Décidément, j’aime bien commencer mes petits récits par des chansons. Car vous allez voir qu’il y a toujours un certain rapport.
Donc, du temps de ma « folle » jeunesse, un copain d’enfance arrosait son baccalauréat tout récent. Et mieux encore, son permis de conduire tout neuf. Pour fêter tous ses succès « zintellectuels et mécaniques », il nous invita à faire une petite virée dans son carrosse quasiment centenaire et rouillé de partout. Ensuite il voulu ponctuer son triomphe estudiantin, par un beau diner au resto. Jusque là, la proposition semblait alléchante. C’est ainsi que nous partîmes sur les routes pleines de dangers effroyables, du côté de Milly la Forêt. Vous pouvez constater à quel point nous avions l’esprit d’aventuriers au sang froid terrifiant ! Nous étions en été, il faisait beau et chaud, mais le soir tombait et nous cherchions un restaurant. A cet instant du récit, je dois vous faire part d’un très léger défaut dont était affligé notre charmant camarade et « frère d’enfance ». Oui ! J’écris « frère » d’enfance, et non pas « ami d’enfance » car orphelin de père, il avait quasiment été élevé comme un membre à part entière de la fratrie. C’est vous dire les liens qui nous unissaient et nous unissent toujours, d’ailleurs. Donc ce brave copain était, comme dire ? très légèrement « prudent » dans le domaine des dépenses récréatives et alimentaires, si vous voyez ce que je veux dire !Je n’ai pas écrit « radin » ! Jamais je n’écrirais une chose pareille ! Surtout s’il me lit ! Non ! Simplement « économe » ! Voilà pourquoi, à chaque fois que nous trouvions un restaurant dans un petit patelin, nous nous arrêtions devant. Il descendait et commençait alors, un épluchage sévère de la carte. Et c’était, hélas, toujours trop cher pour « ses » ou pour « nos » économies ! Car ayant un sens des responsabilités très développé pour son âge, il pensait aussi à nos intérêts. Malheureusement, ce sens des responsabilités prolongeait fortement, comme vous pouvez vous en douter, le temps des recherches. C’est ainsi que la nuit tomba et que nous dégottâmes, à la dernière extrémité de la fermeture de l’établissement, un boui-boui infâme, mais pas « cher » ! Et comme vous le savez, les joies de la jeunesse, l’ambiance potache de notre petite troupe fraternelle, mirent à ce restaurant, les « étoiles » qu’il ne possèdera jamais. Nous en sommes sortis plus que « gais », et heureusement que les contrôles d’alcoolémie étaient inexistants à cette époque. Sur le chemin du retour, tout en braillant comme des veaux dans le tas de ferraille de notre pote, nous étions en train de traverser un grand bois sombre, sur une route départementale, quand nous aperçûmes au loin, ce qui semblait être des lueurs d’un feu ou même d’un incendie. Effectivement, en nous rapprochant, nous avons alors découvert une ambulance blanche, un break Citroën, DS21, garée sur le bas-côté, et qui brûlait, entourée d’une fumée grise, épaisse que les phares de notre voiture arrivaient, tout de même, à percer.
Ah pour dessaouler, ça dessaoule ! Le moment de stupeur et de surprise passée, nous sommes descendus voir de quoi il retournait. Le plus étrange, c’est qu’il n’y avait personne autour du véhicule, et chose encore plus rassurante, personne à bord non plus ! L’idée de voir cramer un macchabée ne nous aurait pas enchanté plus que ça. Qu’est-ce qu’on allait pouvoir bien faire ? Alerter les secours, les pompiers ? Se barrer comme des voleurs en n’ayant rien vu ?
C’était mal nous connaître. Nous allions bien trouver du secours au prochain village rencontré. Et nous voilà tous repartis en « tuture ». Quelques centaines de mètres à peine, un peu plus loin, nous sommes arrivés dans une petite ville complètement endormie. Même la grande place rectangulaire était plongée dans le noir, car l’éclairage public était éteint depuis longtemps. Nous nous sommes garés au milieu d’icelle Et tels des fantômes un peu bruyants nous avons exploré les lieux, à la recherche d’une âme qui vive ou d’un moyen de prévenir les secours.
Quelqu’un parmi nous s’est alors exclamé :
_Eh ! Les potes ! Venez voir ! Je crois que j’ai trouvé !
Nous avons rappliqué en vitesse pour découvrir la « trouvaille »
C’était une borne d’urgence, tout en rouge dont la façade vitrée protégeait un gros bouton de même couleur.
Moment de flottement dû à une indécision bien légitime. Est-ce qu’on allait oser ?
_Allez les gars ! Faut pas se dégonfler maintenant !
Et joignant le geste à la parole, mon pote bachelier se déchaussa, brisa la vitre de son escarpin et appuya sur le gros champignon rubicond. Ceux qui le devinrent, c’est nous !
MOUUUUUUUWOHONNNNNNNNN !
Un énorme rugissement cataclysmique hurla brusquement au-dessus de nos têtes. C’était une sirène d’usine !
Pétrifiés que nous fûmes ! Tétanisés par la surprise et la trouille ! Trouille accentuée par le fait que tout autour de la place, des fenêtres d’appartement s’allumaient comme des lampions, à intervalles réguliers, Nous, nous pensions naïvement qu’une petite voix sympa, sortie d’un petit haut-parleur, allait nous demander, fort civilement, poliment (et surtout discrètement) ce que nous voulions ?
Mais on ne s’attendait pas à un hurlement pareil, digne d’une alerte de bombardement de la dernière guerre mondiale ! Ils auraient quand même dû nous prévenir ces gueux !
« Attention, en appuyant sur ce bouton, vous allez déclencher une sirène assez bruyante au-dessus de votre tête »
Là on aurait compris ! Je ne suis même pas sûr que nous n’aurions pas pris nos jambes à nos cous, en pensant qu’ils aillent se démerder avec leur ambulance cramée ! Au lieu de ça, nous étions épinglés par la terreur comme des papillons de nuit sur une toile de tableau. Et les gens qui commençaient à rappliquer. Oh ! Comme on aurait voulu être ailleurs, à ce moment là. Heureusement, on ne nous a pas lynchés, et nous avons même pu bredouiller nos motifs légitimes. Soulagés par la tournure des évènements, nous avons même décidé de retourner sur les lieux, voir la suite des opérations. Ah ! Mes amis ! Comme je ne le regrette pas ! Car nous avons assisté à un spectacle nocturne digne d’un film de Jacques Tati. Nous étions garés pas trop loin de l’incendie. La voiture continuait de cramer de plus belle. Et nous avons vu arriver les pompiers …..volontaires !
« Volontaires » ils l’étaient sûrement ! Mais « réveillés » ? Je ne suis pas aussi sûr. D’ailleurs pour nous conforter dans notre opinion, des vestes de pyjamas dépassaient traitreusement des blousons de cuir. Certains finissaient d’ajuster leur casque, quand d’autres arrivaient sur la route, à cloche pied, en finissant de se chausser. Bon ! Soyons charitables ! Le côté vestimentaire n’est pas trop important. Mais c’est le côté matériel qui a posé des problèmes ! Je revois encore ce pompier tirant comme un damné sur sa lance à incendie, hurler à son collègue :
_Mais putain !Avance le camion !Tu ne vois pas qu’on est trop court !
Et pris par l’impatience de vouloir éteindre l’incendie, ouvrir en grand la vanne du « tuyau d’arrosage ». Manque de pot, son chef qui s’était avancé sur le brasier pour l’inspecter, s’est pris en pleine tronche le flot glacé d’une lance insolente. Je vous épargnerai la vulgarité des propos échangés entre les deux soldats du feu qui n’apporteront rien à l’intérêt du récit.
J’ai honte quand je pense aux crises de fou-rires que nous avons dû réprimer pour ne pas vexer nos courageux pompiers. Car, vu leur humeur et le fait qu’on les avait dérangés dans des activités personnelles et surement très intimes, nous avions le sentiment bien précis, d’aller au-devant de graves représailles !
Je n’ai pas besoin de vous expliquer que notre retour s’est effectué dans une gaieté et une joie de vivre qui tenait autant à nos excès de libations qu’au récit des exploits épiques de nos valeureux pompiers.

En pleine nuit une sirène
Appelle au feu tous les pompiers

Et tout Rio qui se réveille

Voit brûler l'usine de café

Il n'y a pas de temps à perdre

Sinon tout le quartier va brûler

Oui mais voilà
Pendant ce temps là à la caserne
On entend les pompiers crier :


Qu'est-ce qu'on a fait des tuyaux ?

Des lances et de la grande échelle

Qu'est-ce qu'on a fait des tuyaux?

Pas de panique il nous les faut


Paroles : Auteurs compositeurs Gérard Gustin - Maurice Tézé
Chanson interprétée par Sacha Distel 1967

mercredi 29 juillet 2009

Là haut, sur la montagne…..


Ne me dîtes pas que vous ne connaissez pas la suite de cette petite comptine enfantine ? Non ? Alors tant pis pour vous. Pour le savoir, il va vous falloir me lire jusqu’au bout. Déjà, le mot « montagne » devrait vous mettre la puce à l’oreille. Remarquez bien, que si j’avais une « puce à l’oreille », je me gratterais violemment, comme le fait ma petite chatte ! Je n’ai jamais compris cette expression idiote. Elle a forcément une explication rationnelle et historique, mais aujourd’hui, vous la chercherez sans moi ! Il s’agit de la suite de mes aventures alpestres autour de ce magnifique massif du Mont-Blanc. C’était au cours de la deuxième édition de ce marathon montagnard et annuel. La veille, je me souviens. Nous étions descendus sur Courmayeur, et quand j’écris « descendus », mes rotules se souviennent encore de cette descente interminable sur la ville, que nous voyions en bas, et que nous n’atteignions jamais. Ah ! Le paysage pouvait être grandiose ! Pour les quelques ignorants qui ne le sauraient toujours pas, Courmayeur est la ville italienne, qui se situe de l’autre côté du tunnel du Mont-Blanc. D’ailleurs, du sentier où nous étions, on pouvait voir la sortie de celui-ci. Vous dire que nous sommes arrivés dans la vallée, harassés et fourbus, ne vous surprendra pas. Mais, bonheur infini de cette époque bénie, nous étions assez riches pour nous payer un bon hôtel en ville. Pas une de ces « étables à randonneurs » que l’on appelle « refuge » Non ! Un vrai hôtel, d’au moins deux étoiles, avec de vraies chambres, un vrai et bon restaurant. On a bien roupillé ! On a bien mangé ! Sommeil réparateur et tout le toutim. Petit déjeuner copieux, etc. Le drame, voyez-vous, c’est que trop de confort tue le sportif ! Et pire encore, le randonneur montagnard ! Car le moins expérimenté, des gens de ces pays d’altitude, sait, et même depuis sa plus tendre enfance, que tout voyage, dans ces contrées sauvages et dangereuses, s’entreprend tôt le matin ! Pas à onze heures, comme des touristes en goguette ! Et ben nous ? Si !
Si ! Si ! Mais quand on a vingt ans, que l’on ne connaît rien à la montagne, que l’on est plein d’enthousiasme et de certitudes, on se sent indestructibles ! Alors on est parti, insouciants, optimistes en diable !
(eh ! eh ! eh ! Et c’est vrai que le Diable a bien dû rigoler de nous voir partir ainsi)
Courmayeur est une jolie petite ville nichée dans un vallon encaissé. Elle est merveilleuse quand il fait beau. Mais quand nous avons quitté l’hôtel, il faisait gris et maussade. Ah ? Parce que j’ai oublié de vous le dire ? Malgré un temps menaçant et franchement pas sympathique sur le plan pluviométrique, nous sommes quand même partis ! Tant qu’à être inconscients, vaut mieux l’être jusqu’au bout. N’est-ce pas ? Nous avons quitté les faubourgs de la ville pour nous enfoncer dans les bois, et pour grimper………….sous la pluie.
Mais rassurez-vous ! Nous avions de bons ponchos bien étanches. Déjà, un temps pluvieux, c’est pas marrant. Mais en montagne, c’est pire ! On ne voit rien du paysage. Tout est cotonneux. C’est triste à mourir. Heureusement que Dame nature sait être « guillerette » et « primesautière », quand elle se décide de nous distraire par un beau spectacle. C’est ainsi, qu’en plein milieu de l’après-midi, elle n’a rien trouvé de mieux, que de nous envoyer un bel orage ! Qui n’a pas connu d’orage en montagne, ne connaît rien à la beauté sublime des éléments déchaînés. Et puis, il vaut mieux se munir de « boules Quiès » parce que je vous prie de croire que les tympans en prennent un sérieux coup ! Vulcain-Héphaïstos n’a pas arrêté de secouer ses tôles d’acier, pendant des heures ! Bon ! On a fini par s’habituer. On s’habitue à tout, dans la vie. Vous voyez le décor ? Et ben c’est pas fini ! Je m’en souviendrai toute ma vie de cette aventure. J’étais alors bon dernier, comme il se doit. Car pour le sport et la compétition, j’ai toujours été d’une nullité crasse ! Mais d’une nullité parfaitement assumée. Et comme je suis un rêveur impénitent, je suis toujours bien tout seul, en pleine conversation avec moi-même. Je possède cette particularité étrange de ne pas m’ennuyer avec moi-même, contrairement à d’autres. Nous cheminions alors sur un sentier à flan de coteau, sur une pente assez prononcée, dans un bois de pins. Soudain, j’entends derrière moi un grondement qui ne ressemble pas au coup de tonnerre habituel. Je me retourne, et là, que vois-je de mes quinquets brusquement agrandis par la terreur ? Tout un pan de la colline était descendu, emportant le sentier sur lequel nous venions de passer. Et ceci, sur une bonne centaine de mètres ! Il n’y avait plus qu’un trou béant dans la forêt, fait de caillasses, de boue, et de troncs d’arbre déchiquetés ! Bon ! Si on voulait redescendre sur Courmayeur, c’était râpé ! Je n’ai même pas compris, sur le coup, que je venais d’échapper à une catastrophe épouvantable. Mais quand on est jeune, on passe l’éponge rapidement, et on continue. Le problème, en montagne, c’est que plus vous montez, plus il fait froid. Et que font nos petites gouttelettes d’eau quand il fait froid ? Même un enfant de cinq ans sait cela. Et oui ! Cela se transforme en belle neige bien drue et bien abondante. A Noël, en plaine, c’est charmant et sentimental. Quoique les automobilistes n’apprécient pas toujours. Mais en montagne, au mois, de juin, c’est chiant ! Oui, je suis grossier ! Parce qu’après la pluie, l’orage, l’effondrement, cela commençait à faire beaucoup. Mais ce qui était encore plus inquiétant (si c’était possible) c’est que nous n’avions toujours pas franchi le col pour redescendre dans la vallée. Le manteau neigeux se faisait de plus en plus épais. Mon moral, déjà fortement atteint, baissait au même rythme que la luminosité environnante. La nuit tombait. Nous ne distinguions plus grand chose. Je voyais, avec angoisse, le moment où nous allions devoir passer la nuit en pleine montagne, par un froid sibérien, sans tente, sans chauffage, sans équipement adéquat, perdus corps et âmes. On allait sûrement retrouver, au printemps suivant, un groupe de randonneurs congelés (que l’on aurait pu écrire en deux mots, d’ailleurs !). « Mais qu’allait-il faire dans cette galère ? » Moi, je pensais plutôt : « mais qu’est-ce qui m’a pris de suivre ces crétins irresponsables ? » Voilà mon drame : Dans ma jeunesse, je croyais toujours que les autres étaient plus malins, plus intelligents, plus expérimentés que moi. Quand je m’apercevais que c’était faux, il était toujours trop tard ! Que ceux, qui ont toujours été très sûrs d’eux-mêmes et qui se sentent toujours supérieurs aux autres, me pardonnent. Ils ne me comprendront jamais. Enfin bref ! La situation était réellement désespérée ! Car contrairement à la belle phrase de « je ne sais plus qui » : « La situation est grave mais pas désespérée » , la mienne, à cet instant précis était « totalement » désespérée. Je pensais brusquement à ma famille, à mes parents, à mes frères et sœurs. Comment allaient-ils réagir en apprenant ma mort dans ces circonstances aussi tragiques ? Et moi qui n’avais même pas fait de testament ! Mais rédige-t-on un testament, à vingt ans ? Même pas donné quelques consignes pour mes obsèques ? On ne pense toujours à ces choses là que lorsqu’il est trop tard. Ne riez pas ! J’étais exactement dans cet état d’esprit ! Mes compagnons s’engueulaient ferme ! Pardi ! Ils ne savaient faire que ça, les « infâmes » ! Personne ne croit aux « anges gardiens » ! Niaiserie d’un autre temps, pensent certains ! Ben moi, si, j’y crois ! Depuis ce jour-là, j’y crois fermement ! Car pendant que nous nous disputions, nos « protecteurs célestes» devaient, au-dessus de nous, discuter de leur côté. Et leur décision fut merveilleuse. Car figurez-vous, qu’au détour d’un virage du sentier, comme dans les films à « suce panse », apparut la masse sombre de ? De devinez quoi ? D’une petite cabane de berger ! Oui ! Une belle petite cabane de berger en pierres solides, et au toit pointu en lauzes ! Qui prétendra, qu’il n’y a pas de miracle pour les « imbéciles innocents » ? Ah ! Elle n’était pas grande ! Mais je vous jure que j’en aurais embrassé chaque pierre ! Nous nous sommes engouffrés dedans sans hésitation. Même prêts à expulser de force un hypothétique occupant qui aurait eu l’imprudence de ne pas vouloir nous laisser entrer ! Mais elle était vide de tout être vivant. Il y faisait sombre comme dans un four de boulanger, mais le bonheur d’avoir un toit au-dessus de sa tête et d’être à l’abri de cette tempête de neige, nous aurait fait accepter une niche à chien. Croyez-le si vous voulez, mais nous avons tous dormi comme des loirs ! Pas une insomnie ! Ah ! La santé de la jeunesse ! C’est le matin, que nous avons eu une belle surprise, en ouvrant les volets de bois ! Tempête de ciel bleu ! Pas un nuage à l’horizon ! Et le bleu, d’un bleu magnifique, époustouflant. Mais avec le bleu, ce qui dominait, comme autre couleur, c’était le blanc ! Mama Mia ! Tout était recouvert de neige ! Un vrai paysage de sport d’hiver ! Oui, mais nous, on n’était pas venu avec des skis ! Seulement avec nos croquenots de randonneurs. Et le plus « rigolo » c’est quand nous avons sauté du palier, pour nous enfoncer dans la neige……jusqu’au-dessus du bassin ! Vous voyez le topo ? Et on n’avait toujours pas franchi le col ! Honnêtement, je ne me souviens plus comment nous sommes arrivés à le faire. Mais on a bien réussi, puisque je suis là pour vous le raconter ! Tiens ! Je vais tenir ma promesse !

Là-haut sur la montagne l'était un vieux chalet. (bis)
Murs blancs, toit de bardeaux,
devant la porte un vieux bouleau.
Là-haut sur la montagne l'était un vieux chalet.
Là-haut sur la montagne croula le vieux chalet. (bis)
la neige et les rochers s'étaient unis pour l'arracher,
Là-haut sur la montagne croula le vieux chalet

A suivre

mardi 28 juillet 2009

Voix d’outre-tombe

Une voix sort de mes enceintes acoustiques. Elle est nette, comme si elle était en face de moi.
Son charmant petit accent du midi résonne dans la pièce.
Elle « roule » les « r », comme dans le pays du « rrrûbi ». Elle sent bon la verte campagne du Lot et Garonne, les canards, les poussins, les poules qui l’entourent que l’on pourrait presque entendre leurs caquetages incessants. Cette voix, c’est celle de ma grand-mère !
Cette voix a plus de quarante ans ! Elle vient d’outre-tombe !
Elle dormait dans une vulgaire petite cassette de bande magnétique, toute ordinaire.
Cette cassette a survécu à des tas de pérégrinations, de voyages, de déménagements.
Et voilà, qu’en ce beau matin de début juillet, il faut que je télécharge un logiciel d’enregistrement, que je trouve cette bande, que je la mette sur un magnétophone branché à mon ordinateur, et
le « miracle » se produit !
C’est hallucinant ! Emouvant ! Terrifiant ! La vie semble surgir de l’au-delà !
Pas un craquement ! Pas une distorsion ! Pas un parasite !
Une pierre dans le jardin des « experts » qui nous disent qu’un enregistrement magnétique se dégrade au cours du temps !
Pas toujours ! La preuve !
Sauf s’il est stocké dans de mauvaises conditions, et surtout en plein soleil !
Mais pour ma grand-mère, c’est un petit « don du ciel » qui m’est ainsi offert !
Ce qui est extraordinaire, avec elle, c’est que j’étais venu la voir, dans sa ferme isolée, aux murs épais de torchis, écrasée par la chaleur lourde du Lot, îlot perdu dans un océan de verdure agricole, avec un engin ultramoderne (pour l’époque) qui consistait en un combiné radio magnétophone dernier cri.
Je m’étais dit, avec un peu d’inquiétude, qu’elle allait s’effrayer de cet engin « du diable » et qu’à l’instar des « bégueules habituelles » elle allait renâcler pour mon interview.
Et ben, pas du tout ! Elle m’a arraché le micro des mains, pour parler à sa fille restée à la capitale, comme si elle lui écrivait une lettre ! Avec le même détachement, le même sang-froid, le même professionnalisme que nos « microteuses » habituelles qui
« causent » dans nos lucarnes médiatiques !
Paysanne peut-être ! Mais empotée et arriérée ? Sûrement pas, ma grand-mère chérie !

PS Sanguine originale de mon artiste de soeur exécutée d'après une photo

samedi 11 juillet 2009

Encore heureux qu’il ait fait beau… !

Tout le monde a oublié ce petit chef d’œuvre impérissable de la chanson populaire française, chanté par les « Frères Jacques » ; La Marie-Josèphe . Et je ne vous parle pas des moins de trente ans qui en ont sûrement jamais entendu parler.

Encore heureux qu'il ait fait beau
Et qu'la Marie-Joseph soit un bon bateau

Encore heureux qu'il ait fait beau

Et qu'la Marie-Joseph soit un bon bateau

Il ne s’agit pas, ici, de raconter des aventures maritimes, mais des frayeurs montagneuses et un tantinet alpestres qui me sont arrivées du temps de ma « folle » jeunesse. Car l’ironie qui perce sous les couplets de cette joyeuse chanson vise l’incroyable et l’éternelle inconscience des quidams imprudents. Qu’ils soient pseudo marins, apprentis pilote de course, faux alpinistes ou randonneurs amateurs, ne change rien à l’affaire ! Il y a toujours des abrutis, de par le monde, dont l’autosatisfaction inébranlable les croit voués à commettre les pires imprudences, sous le prétexte fallacieux de se prendre pour des aventuriers invincibles !

Ce que résumait, avec son esprit acide et féroce, Michel Audiard, quand il faisait dire à Lino Ventura, dans les « Tontons flingueurs » :

« Les cons, ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît ! »

Remarquez bien que ceux qui n’osent jamais rien ne sont pas plus futés ! Il ne faut quand même pas charrier. Moi, j’ai toujours balancé entre les deux. C’est ainsi que tous les ans, au début du mois de juin, un groupe de collègue de travail, partait « Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal » vers les cimes lointaines du sommet des Alpes.

Tout ça pour jouer les sportifs et s’aérer les bronches encrassées par le kérosène des avions.

J’ai donc fait, trois années de suite, le tour du massif du Mont Blanc. Tour que nous faisions en une semaine environ.

Je ne vais pas vous raconter chronologiquement ces trois randonnées annuelles, ce qui serait fastidieux et rasoir, mais seulement quelques moments impérissables dans ma mémoire et qui je crois, valent le coup d’être narré, non pas tant pour ma progéniture qui s’en fout comme de sa première couche culotte, que pour mes descendants lointains, qui trouveront là, sinon matière à réflexion, du moins, à belles rigolades en famille.

Après une nuit de conduite automobile, nous arrivions harassés à la petite station : « les Contamines Montjoie » près de Chamonix. Et nous partions dans la foulée ! Ce qui, vous l’avouerez, était déjà d’une folle prudence. Ah ! Mais on ne perd pas de temps quand on est jeune ! Quitte à prendre le temps de l’éternité, parfois.

Déjà les équipements. Et il y a de quoi raconter. Moi, très prosaïquement et naïvement, j’étais toujours en jeans et rangers. J’avais un sac à dos qui avait dû faire la guerre dans les maquis du Vercors, avec la belle grosse armature métallique des familles et les bretelles en bon cuir de vache. Très retro, très kitch, le gars. C’est vous dire si je me sentais gêné de voir mes potes, devant moi, en baskets et short très court ! J’avais vraiment l’air d’un bouseux, à côté d’eux ! Ils bondissaient comme des cabris, heureux, joyeux, toujours en pleine forme, laissant derrière eux l’éternelle tortue râleuse et qui soufflait toujours comme une machine à café entartrée. Les chemins étaient bien tracés, vu les milliers de croquenots, et pompes de toutes sortes qui les écrasaient tous les ans, à la même époque. Nous suivions sagement les signes du GR rouge et blanc, comme il se doit. Et comme de bien entendu, mes compagnons ignoraient tout de la cartographie et de la topographie. Lire une carte, consulter la météo, orienter une boussole était pour eux une perte de temps réservée à des péquenots trouillards.

Pourtant, un jour, la nature espiègle se vengea bien de leur mépris. Nous montions tranquillement depuis le matin vers le col de la Seigne quand un brouillard épais nous tomba dessus sans prévenir. Le chemin restait bien tracé, mais à certains endroits, il n’était plus aussi précis. Les marques du GR n’étaient plus repérables de loin. Il fallait vraiment tomber dessus, à cinquante centimètres sous notre blase pour les voir. Inutile de vous dire que dans ce paysage cotonneux et gris, nous enveloppant de partout, la panique commença à s’instaurer au sein du groupe. On gravissait à l’aveuglette des pentes de plus en plus vertigineuses qui se terminaient en paroi verticale infranchissable. On redescendait tout penauds, en n’étant pas sûr d’être revenu à notre point de départ. Il fallut se rendre à l’évidence ; nous étions complètement paumés ! Quand la peur s’installe, les engueulades, les vociférations hystériques ne sont pas loin. Pourtant, au beau milieu de notre meeting politique orageux, quelqu’un parmi nous s’exclama :

-Mais taisez-vous bordel ! J’entends des voix !

Effectivement, comme des fantômes sortant d’un cimetière, dans un film d’épouvante de cinquième catégorie, une joyeuse troupe, en file indienne, déboucha sur notre petit groupe.

Mais alors là….Mais alors là ! Que je vous explique le topo. Pas des rigolos, eux !

Tous en pantalon de grosse laine, rangers, guêtres, chapeaux à large bord, piolets, cordes de varappe, sacs à dos dernier cri etc… Pour le coup, c’était nous qui avions l’air de gosses échappés d’une colo.

Celui qui semblait être le chef du groupe nous apostropha, un rien goguenard :

-Alors on est paumé les gars ?

-Ben ! Pas tout à fait ! On faisait une petite pose avant de s’y remettre.

Ah ! Ce que l’orgueil ne fait pas dire comme c… bêtises !

-Bah ! J’vas quand même vous dire où vous êtes !

Et de nous sortir une carte d’état-major, une boussole grosse comme un gyroscope de sous-marin et….Wouah ! Un altimètre ! Je vis alors des quinquets s’ouvrir comme des portes cochères parmi mes compagnons. Eux qui pensaient que les altimètres, ça ne se rencontrait quand dans les cockpits d’avion. Normal, quand on travaille dans un aéroport.

Bon prince, notre « Moïse » des montagnes nous proposa de le suive, lui et sa troupe, un bout de chemin, histoire que l’on retrouve nos marques. Sympa non ?

Et bien croyez-le si vous voulez, mais mes abrutis de compagnons ont tous refusé.

Il y en a qu’un qui a osé timidement élevé la voix pour dire :

-Ce serait quand même plus prudent de les suivre un bout de chemin.

-Non ! T’inquiètes pas. On n’a pas besoin d’eux. On va se débrouiller !

Quand je vis le dernier scout s’enfoncer dans la brume, je commis là un acte dont j’ai encore honte aujourd’hui ! Je plaquais lâchement mes potes pour suivre les…professionnels !

Que voulez-vous ! L’instinct de survie, ça ne se commande pas !

J’ai donc suivi mes sauveteurs pendant un bon moment. Juste le temps pour que le brouillard se dissipe et que la vue du paysage nous soit rendue. Là, pris de remord, je me suis retourné, et aidé par mes nouveaux compagnons, nous avons crié à perdre haleine pour faire connaître notre position. Plus le temps passait, plus j’avais honte. Dire que je les avais abandonnés, les pauvres ! Au bout d’une bonne heure, je vis enfin l’un deux arriver du fond de la brume.

Puis tout notre petit groupe. A leur visage fermé, et au regard sombre qu’ils me jetèrent en passant près de moi, je compris à quel point ils étaient fatigués par leur aventure.

Mais était-ce vraiment de la fatigue ?


A suivre.






samedi 4 juillet 2009

Piège à c..s !

Non ! Je n’ai pas osé l’écrire par le souci, légitime, et qui m’anime constamment, de ne pas être vulgaire auprès de mes lecteurs. Pourtant, dans un film très célèbre, que tout le monde a vu :
« Le grand blond avec une chaussure noire » pour ne pas le citer, notre pauvre Bernard Blier le reçoit en pleine tronche, en guise « d’extrême onction »
Et pourtant ! Des pièges à…. C’est pas ce qui manque ! Nous en avons tous subi les effets désastreux, ou fabriqué un jour ou l’autre, au cours de notre chienne de vie.
L’histoire que je vais vous raconter se déroule au deuxième sous-sol de l’aérogare d’Orly.
« En ce temps-là »… Pour faire très
« biblique », je travaillais dans une grande salle pleine de grosses machines appelées « ordinateurs », dans le courant des années soixante dix.
Nous étions une petite équipe de cinq opérateurs qui devaient entretenir, faire fonctionner ces jolis monstres de ferraille, de circuits électroniques, qui ne tenaient pas encore dans les mimines délicates de nos chères compagnes ! Dans un bruit continuel de soufflerie asthmatique et sifflante, nous travaillions vingt quatre heures sur vingt quatre, dimanches et jours fériés compris. Mais les nuits étaient longues et parfois très ennuyeuses. De drôles de fantômes y rôdaient, cependant !
Mais des fantômes malveillants ! Car, plusieurs de nos camarades se plaignaient de petits larcins, de vols de documents, de papiers, de pièces de monnaie, etc... Et ils avaient même l’impression qu’on fouillait dans leurs placards. Placards situés dans notre salle de repos attenante à la salle des machines. Ce ne pouvait pas être nos femmes de ménage qui étaient la probité et l’honnêteté personnifiée. Car ces pauvres femmes savaient que c’était elles que l’on soupçonnerait en premier. C’est vous dire, si elles se tenaient à carreau ! Leur seul petit péché mignon, c’était de téléphoner, là-bas, au pays ! Et pendant des heures ! Le jour où notre chef de service a vu la note de téléphone, on a failli l’emmener aux
urgences ! On ne lutte pas contre certaines caractéristiques génétiques d’une bonne moitié de la population mondiale. C’est impossible.
Bref ! Il fallut se rendre à l’évidence. Ce ne pouvait être qu’un opérateur. Chose d’autant plus scandaleuse, parce que nous avions de bonne paye (en ce temps là !) et la valeur des larcins était vraiment mesquine par rapport à nos trains de vie. Mais le plus parano d’entre nous, et aussi la victime privilégiée du « malfaisant » était un certain
« C », dont je protègerai l’anonymat eu égard à sa progéniture qui risque un jour de tomber sur ce récit. Petit gros toujours volubile et en mouvement, une tête ronde déjà chauve, et des yeux constamment clignotant sous des verres de lunettes aussi rondes que sa bouille, il nous déclara un jour, d’un ton mystérieux, qu’il avait trouvé LA solution pour se débarrasser de cette « pie voleuse ». Je le revois encore, dans sa blouse blanche (réglementaire) aller et venir, passant constamment de la salle machine, à la salle de repli, le front perlé de gouttes de sueur formées par le stress du chasseur à l’affût de son gibier. La journée se passa tranquillement, sans incidents notoires. De temps en temps, par espièglerie amicale, on demandait bien quelques infos sur ce « mystérieux » piège.
Mais les petits yeux redoublaient leurs clignotements et le sourire de « C » se faisait plus énigmatique. C’est presque à la fin de notre vacation, vers dix sept heures, que se produisit le drame ! Un hurlement inhumain se fit entendre du côté de la salle de repli !
Ça y était ! L’ignoble voleur avait reçu sa juste et légitime punition ! Nous nous sommes rués pour prendre le malfaiteur la main dans le sac. Et là, Oh horreur ! La vision était insoutenable !
Notre pauvre « C », debout devant son placard, était entièrement recouvert d’une substance noire, huileuse, nauséabonde, parsemée de confettis et de morceaux de papier divers !
Deux yeux d’une blancheur inhabituelle, perçaient une face sombre, et nous regardaient d’un air triste et malheureux où se lisait toute la stupeur du monde.
Ce pauvre « C » ! Il l’avait bien fabriqué son piège. Une merveille d’astuce et de précision.
Il en était fier ! Ah ! C’est qu’il était malin notre « C » ! Plus bricoleur et astucieux que lui, c’est bien simple ; il n’y avait pas ! Un bac rempli de gasoil, d’encre de chine, de confettis, tenant en équilibre, dans le haut de son placard, il fallait y penser !
Mais voyez comme la vie peut parfois être cruelle ; Se souvenant d'avoir oublié quelque chose dans son placard, juste avant de partir, il s’y rua, en oubliant…….son piège !
Pour compléter ce récit malheureux, je dois vous faire part d’un phénomène physique assez étrange que nous avons subi pendant plusieurs jours. Des douleurs bizarres dans les abdominaux, et au niveau des côtes.
Mais je vous rassure, notre mystérieux voleur a continué sa coupable industrie. Ce n’est pas un joli piège à c..s qui allait lui faire peur.

lundi 22 juin 2009

La petite porte du hangar

En cette année du centenaire du premier salon de l’aéronautique, il me revient un souvenir extraordinaire que j'ai vécu à l’âge de treize ou quatorze ans. Mon père connaissant ma passion pour le monde de l’aviation, en fit part à un copain à lui. Un jour, cet homme de confiance m’emmena dans sa voiture, encore rare en ces années d’après guerre, vers un endroit mystérieux et plein de secrets. La voiture garée, nous pénétrâmes dans un vaste champ envahi par des herbes folles et sauvages, que des jardiniers avaient déserté depuis fort longtemps. Au fond de cette « savane » bien de chez nous, se trouvait un immense hangar, haut comme une cathédrale. Du moins, c’est l’impression qu’il me fit à l’aune de mes treize ou quatorze printemps. Arrivé devant la façade de ce monument de brique et de tôle, je vis une petit porte tout à fait ordinaire dont la partie supérieure était vitrée de petits carreaux.
Mon tuteur d’un jour sortit de sa poche une grosse clé rouillée et se mit en devoir d’ouvrir l’huis de cette antre inconnue.
Ô mon Dieu ! Le choc que je ressentis alors, est encore présent, des décennies plus tard, au moment précis où je vous narre cette aventure. D’abord un silence sépulcral. Une lumière solaire tombant de grandes baies vitrées du toit. Une odeur de vieilles huiles, de poussières, et de cuirs. Et là, devant mes yeux éblouis d’enfant, toute l’histoire aéronautique de mon pays sous la forme de vénérables fantômes d’aluminium, de bois, de toiles, de verre et d’acier! Des nacelles en osier de dirigeables, grandes comme des autobus, pendaient du plafond ! Et je reconnus là, des trésors que j’avais déjà examinés dans mes précieuses revues d’aviation ! Des moteurs en étoiles, des vieux réacteurs ! Un énorme tuyau vertical : « l’ATAR volant » !
Un petit avion à moteur-fusée allemand, tout ramassé sur lui-même ! Le Messerschmitt 163, « Komet » Une rareté ! Les avions Leduc et leur poste de pilotage où le pilote était couché !
Et tout ça, pour moi TOUT SEUL ! Pas un chat ! Pas même une souris ! J’avais pour moi tout seul tous ces immenses trésors ! Ah ! J’étais le roi d’un jour ! Je courrais dans les allées ! La tête me tournait un peu ! C’était trop pour ma petite cervelle de gamin. Soudain, dans un coin, je remarquais un simple train d’atterrissage. Lorsque je lus la petite plaque explicative, placée entre les roues, mon émotion fut à son paroxysme. Il s’agissait du train d’atterrissage que Nungesser et Coli avaient largué, juste après leur décollage du Bourget, pour s’alléger, lors de leur tentative de traversée de l’Atlantique est-ouest en 1927 ! Ils disparurent en mer, le 9 mai de cette année-là. Et c’est tout ce qui restait ce drame. Leur bel avion s’appelait « l’oiseau blanc ». Et j’étais devant ses pattes, si j’ose dire ! Vous imaginez un peu ?
Tous ces trésors dormants comme la « belle » du même bois ? Bien sûr les années ont passé. Un magnifique et grand musée est né au Bourget que j’ai eu aussi le plaisir de visiter. Son directeur actuel Gérard Feldzer est un homme charmant et passionné, que j’admire et que je respecte beaucoup. Ancien pilote lui-même. Mais mon cher Gérard qui avez la chance (ou la malchance) de porter le même prénom que moi, qui dirigez un immense complexe plein d’avions et de fusées, vous n’aurez jamais le bonheur que j’ai eu, un jour, en franchissant la petite porte d’un hangar.

PS. Grace au web, j’ai retrouvé « mon » hangar » ! Il est situé à Chalais-Meudon. Et j’y apprends avec bonheur qu’il est en rénovation car c’est lui-même un monument historique trop longtemps méprisé. (Voir le lien)

-----> Photo prise au Parc de Sceaux le 20/09/2012! 
PS Un ajout de dernière minute que je dois à un internaute sur facebook au pseudo de piper pote: il a eu la bonté de me donner une photo du hangar tel que je l'ai vu.