mardi 16 septembre 2008

Un siège douloureux !


Non, il ne s’agit pas, ici, de l’histoire d’une chaise bancale, d’un fauteuil troué ayant fait souffrir un dos fragile.
Il s’agit d’un siège militaire en règle !
Mais sans vouloir le comparer à celui d’Alésia infligé par le grand Jules, aux auvergnats ou à celui de la pucelle devant Orléans, afin de chasser des « roast-beefs » envahissants, celui que je subis dans ma prime jeunesse, ne m’en a pas moins laissé, dans ma jeune cervelle, un souvenir aussi précis que ceux, dont j’eus la connaissance, plus tard dans les livres scolaires.
Les deux acceptions du terme sont d’ailleurs bien imbriquées dans cette histoire familiale ! Comme vous pourrez le constater !
Ma pauvre mère ayant sombré dans une affection psychologique assez commune, c'est-à-dire la dépression, la fratrie fut impitoyablement dispersée
au « quatre coins » de l’hexagone, comme l’écrivent certains imprudents !
A cinq ans, l’un de ses membres atterrissait, seul, dans le sombre et inquiétant pays de Rimbaud ; les Ardennes.
Avec le recul, je comprends pourquoi ce jeune homme, plein de vie et d’enthousiasme, l’a quitté si rapidement, pour des contrées lointaines plus accueillantes et plus chaudes de la Somalie et de l’Arabie !
Parce que les Ardennes, dans les années cinquante ! Hou !La ! La !
La brume, le froid, les sombres, profondes et inquiétantes forêts de sapins, les fumées d’usines, le bruit lancinant du marteau-pilon, tout cela n’inclinait pas le cœur à l’optimisme de
« l’Italien qui sait qu’il aura de l’amour et du vin » !
Pour parfaire ce joyeux tableau, la parentèle qui l’accueillit ou plutôt, pour parler plus juste, qui le recueillit, se composait de trois vieillards plus intéressés par la rubrique nécrologique du quartier que par la venue de ce petit oiseau tombé du nid !
Il s’agissait de ses grands-parents paternels, flanqués de l’ancêtre inoxydable ;
son arrière-grand-mère !
Ah la « Mémère Célina » ! Un personnage !
Une tête ronde, plus ridée qu’une pomme blette, toute vêtue de noir, comme il se devait en ce temps là, pour ajouter un peu plus d’optimiste et de « gaîté » à l’ambiance de tombeau qui régnait déjà dans la maison !
Heureusement pour le gamin solitaire, il y avait un beau jardin potager, derrière la maison, prolongé par un petit verger en pente très prononcée, touchant la lisière de la forêt qui nous dominait de sa masse sombre de verdure.
Et, oh miracle !Une balançoire trônait là depuis l’enfance de son père !
C’est vous dire si elle n’était pas récente !
Un beau matin d’été, miraculeux dans ces contrées nordiques, mémère Célina poussait gentiment son arrière-petit-fils sur cet engin oscillant.
Au bout d’un moment, comme tous les affreux galopins de 5 cinq dont la patience est très limitée, il en eut marre d’être poussé ainsi par la veille dame et commis le crime de lèse ancêtre ; il lui flanqua la planche du siège à travers la figure ! Le fit-il volontairement ou accidentellement, peu importe !
Mais Célina poussa un cri de douleur et de rage :

Hou ! Il m’a fait mal, le petit saligaud !

La riposte fut foudroyante, et à la fin d'une poursuite échevelée à travers le jardin et toutes les pièces de la maison, l'agresseur ne dut son salut que par un refuge stratégique sous le lit de la grand-mère!
Mais l'offensée ne s'avoua pas vaincue pour autant!
Elle entama un siège en règle ; et le mot "siège" prend ici toute sa saveur, quand on saura que l'ancêtre s'installa confortablement dans un fauteuil pour tricoter, en face de la cachette provisoire de "l'infâme" agresseur!
L'assiégé aurait indubitablement succombé à une famine redoutable, si la fille, par une inexplicable traîtrise, dont seules sont capables les femmes, n'avait pas ravitaillé en cachette l'infortuné combattant, au nez et à la barbe de sa propre mère!
(ou plutôt, à la "moustache" de celle-ci!).
Je n’ai pas le souvenir précis de savoir comment s’est terminé cette histoire dramatique.
Le drapeau blanc fut-il hissé ? Et la fessée évitée ?
C’est qu’on ne plaisantait pas, à l’époque
avec la dignité des adultes !
Ah! C'est qu'il s'en est passé des choses affreuses dans cette famille des "Atrides"!
Quant au garnement, je ne dévoilerai pas son identité, eu égard à l'honneur de ma famille, que je me dois de protéger!